Il y a deux façons de d’approcher le virtuel. La première est de le rattacher aux ordinateurs. En ce sens, le virtuel est l’espace calculé par les machines. C’est un effet de leur puissance de calcul et de leur mise en réseau. La seconde est de se rappeler la littérature a décrit des mondes virtuels bien avant l’ordinateur. Pour Maria Beatrice Bittarello, la culture regorge de description de mondes virtuels : l’Odyssée, l’Eden, les Enfers, la saga de Gilgamesh, le pays des Liliputs ou encore les espaces parallèles chers à la science fiction sont pour elles autant d’espace virtuels. Le cinéma ou le rêve seraient eux aussi des formes de virtuel au sens de réalité alternatives.

Rapprocher ainsi un espace de computation et l’espace imaginaire tissé par les mythes, les rêves, la littérature et le cinéma peut sembler brutal. Mais, il est des machines littéraires dont la complexité n’a rien à envier à celle de [W:Lady Lovelace]

Par ailleurs, Maria Beatrice Bittarello donne quelques points d’articulation. Les espaces imaginaires ont en commun avec les espaces calculés de nos ordinateurs d’être des ailleurs auxquels on accède uniquement par des dispositifs ah-hoc : le vaisseau pour Ulysse, la marche pour Gulliver, la mise au repos du corps pour le rêveur ou le spectacteur. Ce sont des espaces coupés de l’espace quotidien. Ils sont merveilleux ou terrifiants, mais jamais banaux.

Dans cette perspective, le virtuel est la destination d’un voyage. C’est un pays lointain dont on ne ramène aucun aucune réalité, si ce n’est de la réalité psychique. Le virtuel est un espace dans lequel nous produisons et déposons des représentations, des affects, des souvenirs, mais les objets avec lesquels nous interagissons ne peuvent pas être téléversés dans cette réalité.

Le terme Internaute inventé par Vinton Cerf ((« Cher Internaute », c’est ainsi que Vinton Cerf commence son intervention à l’INET’93 International Networking Conference of the Internet Society San Francisco, en aout 1993. Cerf, V. (pas de date). Program — INET93. Retrouvé Août 7, 2009, de http://www.w3.org/Conferences/INET93/Program.html.)) reprend cette idée de voyage lointain teinté d’héroisme. En disant que nous sommes les argonautes de l’Internet, il ne nous engage pas seulement à nous lancer sur les mers numériques pour vaincre un dragon et reconquérir un royaume. Le terme internaute dit que pour ce voyage aussi, nous pouvons devons sur notre équipage interne ((Chose que Serge Tisseron avait pressenti en jouant sur la construction du mot : interne-autre)). Mieux : le véhicule et le but du voyage, c’est cet équipage.