La culture de l’internet s’est contruite au travers de quelques textes fondateurs. J’appelle texte fondateur de l’internet tout texte qui donne aux pratiques en ligne un sens, ou tout texte dans lequel nous nous reconnaissons après coup. Par exemple, L’art d’avoir toujour raison de d’Arthur Shopenhauer est souvent donné comme précurseur des [W:troll]. La vérité historique n’entre pas ici en ligne de compte. Ce qui importe, c’est la contruction d’une filiation ou d’un récit qui rende intelligible le présent.
Cette construction se fait souvent en s’adossant à des mythes. Tout groupe social secrète des mythes. Leur fonction et d’abord de mettre en scène des contenu psychique. Ce sont alors de formations de l’inconcient comparable aux rêve et au lapsus. En elles se lisent des élément de la vie psychique des individus. Mais, en étant à la fois individuels et collectifs, le mythe ont également de fonction d’étayage, d’identification. Ce sont des "formations collectives transubjectives" (Kaës, 1988).
S’agissant de la construction de l’Internet, on ne s’étonnera pas que ce récits s’appuient largement sur des mythes des origines : le paradis perdu, Babel sont souvent rencontrés. Dans le récits plus récents, l’accent et surtout mis sur la puissance des grands nombres. Il ne s’agit plus, en effet, de raconter les commencements mais d’accorder les multitudes et de chanter la puissance du Web 2.0
Grandeur et décadence d’Arpanet. La saga de Netville, John Leslie Kink, Rebecca E. Grinter, Jeanne M. Pickering
Entre le récit historique et la parabole, les auteurs racontent la saga de Netville : sa naissance, son développement, et finalement sa décadence. L’idée principale est que Netville a pu se développer parce que à l’ écart des compétitions commerciale. Elle y contruit ses trois valeurs fondemamentales : la curiosité intellectuelle, la méritocratie informelle et le présupposé égalitaire. Tous unis par les même idéaux, et dans l’absence totale de concurence, les habitant de Netville ont pu faire oeuvre de créativité en inventant des solutions techniques et sociale aux problèmes qu’ils rencontraient. Puis vint Internet et surtout le retrait de la figure tutélaire (L’ARPA) qui précipite la décadence de Netville. Deux futurs lui sont alors possibles : la ville-fantôme ou Las Vegas
Les citoyens fondateurs de Netville ont indubitablement perdu la propriété de la frontière électronique. Leur nid douillet dans la Grande Cordillière et rapidement colonisé par des organisations commerciales, rapidement suvies par de régulateurs qui veulent contrôler l’accès, les usages, le contenu et le reste. Le citoyen de Netville ont définitivement perdu le contrôle du cyberespace.Grandeur et décadence d’Arpanet. La saga de Netville, John Leslie Kink, Rebecca E. Grinter, Jeanne M. Pickering
Le texte prend quelques libertés avec l’histoire, et reprend même le mythe de l’Internet conçu pour résister à une attaque nucléaire. Mais l’essentiel est qu’il reprend l’imaginaire du pionnier américain. Seul, avec juste quelques autres, il s’établit dans un territoire hostile. Il construit une cité prospère loin des grands centres à l’abris de la Grande Cordillière. Mais la richesse de ce far-web attire la convoitise et l’envie qui finiront par le détruire ou le dénaturer.
As We May Think de Vannevar Bush
En juillet 1945, Vannevar Bush présente dans The Atlantic Monthly ses idées sur un dispositif d’écriture et de mémoire : le Memex. Vannevar Bush, a été conseiller scientifique du président Roosevelt pendant la seconde guerre mondiale. La "machine conceptuelle" ((On pense a une autre machine, celle de [W:Ada Lovelace] )) a pour but "d’améliorer la manière dont les hommes produisent, stockent et consultent les dossiers de l’espèce humaine"
Il présente son idée en partant de la constatation que l’esprit humain fonctionne souvent par association d’idées et critique le système existant d’indexation des documents.Memex aurait la capacité d’enregistrer une grande quantité d’information et grâce à des microfilms, l’utilisateur disposerait d’une capacité de stockage pratiquement infinie. Les documents sont projetés sur un écran et l’utilisateur peut les lire page par page ou faire faire défiler rapidement les pages en avant ou en arrière. Chaque document est appelé par son code et Memex garde en mémoire les documents les plus fréquemment visionnés. Plusieurs documents peuvent être affichés en même temps différents écrans. Pour Vannevar Bush, ce qui caractérise le plus Memex, c’est la possibilité pour l’utilisateur de créer des « pistes » en liant deux documents avec un code. Ainsi, la sélection d’un document permet d’appeler « immédiatement et automatiquement » celui auquel il est lié.
Quand l’utilisateur construit une piste, il lui donne d’abord un nom, qu’il note dans son manuel des codes avant de le composer sur son clavier. Devant lui, les deux documents à assembler sont projetés sur des écrans voisins. En bas de chacun, on peut voir un certain nombre d’espaces destinés à recevoir le code, et un curseur est prêt à indiquer l’un d’eux sur chaque document. L’utilisateur n’a plus qu’à appuyer sur une touche pour que les articles se trouvent définitivement rassemblés Le mot de code apparaît sur chaque espace prévu à cet effet. Invisible, mais également dans l’espace destiné aux codes, des pointillés sont insérés pour la visualisation de cellules photographiques et, sur chaque document, ces tirets indiquent, par leur position, le numéro de classement des autres documents. Vannevar Bush, As we may think. Trad Fr. Ch. Monnatte
Le Neuromancien de W. Gibson
En 1984, Gibson publie [W:Le Neuromanien]. Le livre est novateur pour plusieurs raisons. Il crée un nouveau genre littéraire que l’on appellera [W:Cyberpunk] et invente le terme cyberesapce qu’il définit comme
« une hallucination consensuelle vécue quotidiennement en toute légalité par des dizaines de millions d’opérateurs, dans tous les pays, par des enfants à qui des concepts mathématiques sont ainsi enseignés… Une représentation graphique de données extraites des mémoires de tous les ordinateurs du système humain »
Le Neuromancien décrit les aventures de Case, hacker de talent qui s’est vu l’accès au cyberspace interdit après qu’il ait tenté de volerun client. L’accès au réseau lui est redonné en échange d’une mission risquée dont les éléments lui apparaîtront peu à peu .Gibson mêle habilement différents thèmes : celui de l’ange déchu, de la rédemption, du corps de chair et de nerfs (neuro), de la magie (mancie) et bien entendu de la cybernégique (cyber) comme espace (space)
The Hacker Manifesto de Mentor
Loyd Blankenship après son arrestation, sous le pseudonyme de « The Mentor » écrit ce hacker manifesto. Le texte et parfois appelé La conscience d’un hacker. La tonalité en et assez dépressive, part de la description d’une enfance difficile, débouche sur à dénonciation d’un monde où la gloutonnerie de uns s’opposerait au désir d’apprentissage des autres et se clôt sur la toute puissance des multitudes
C’est notre monde maintenant… Le monde de l’ électron et de l’ interrupteur, la beauté du baud. Nous utilisons un service déjà existant, sans payer ce qui pourrait être bon marché si ce n’ était pas la propriété de gloutons profiteurs, et vous nous appelez criminels. Nous explorons… et vous nous appelez criminels. Nous recherchons la connaissance… et vous nous appelez criminels. Nous existons sans couleur de peau, sans nationalité, sans dogme religieux… et vous nous appelez criminels. Vous construisez des bombes atomiques, vous financez les guerres, vous ne punissez pas les patrons de la mafia aux riches avocats, vous assassinez et trichez, vous manipulez et nous mentez en essayant de nous faire croire que c’est pour notre propre bien-être, et nous sommes encore des criminels.
Oui, je suis un criminel. Mon crime est celui de la curiosité. Mon crime est celui de juger les gens par ce qu’ils pensent et dise, pas selon leur apparence. Mon crime est de vous surpasser, quelque chose que vous ne me pardonnerez jamais. Je suis un hacker, et ceci est mon manifeste.
Vous pouvez arrêter cet individu, mais vous ne pouvez pas tous nous arrêter… après tout, nous sommes tous les mêmes.
En 2006, McKenzie Wark écrit A Hacker Manifeto (Trad. Fr. Un manifeste hacker)
Le texte s’ouvre sur les dangers et les espoirs des temps présents. Les dangers : qu’une minorité s’empare de tous les pouvoirs. Les espoirs : qu’un nouveau mouvement subversif surgisse. Entre les deux, le code, qui est la matière première des hackers.
Nous sommes les créateurs de ces mondes, mais ne les possédons pas. Notre création est disponible aux autres, et dans leurs intérêts propres, ceux des états et corporations industrielles et financières qui contrôlent les moyens pratiques de la faisabilité de ces mondes et dont nous sommes les seuls pionniers. Nous ne possédons pas ce que nous produisons : cette même production nous possède.
La cathédrale et le bazar d’Eric S. Raymond
Eric S. Raymond s’appuie sur son expérience pour décrire ce qui lui semble être une dynamique particulière au cyberespace. Pour ses besoins personnels, il a dévelloppé un gestionnaire de mail, fetchmail , et il rend compte du processus qui va de l’idée princeps au succès. Au pieds des cathédrale immenses qui privilégient le rapports verticaux et la hiérarchie, se sont développés de bazars dans lesquels la multitude semble régner. Une phlétore d’utilisateur réglent les problèmes dan un chaos apparent mais avec un succès certains. C’est de cette contradiction que E. S. Raymond tente de rendre compte
Dans la programmation du point de vue de la cathédrale, les bogues et les problèmes de développement représentent des phénomènes difficiles, ennuyeux, insidieux, profonds. Il faut à une poignée de passionnés des mois d’observations minutieuses avant de bien vouloir se laisser convaincre que tous les bogues ont été éliminés. D’où les longs intervalles séparant les mises à jour, et l’inévitable déception quand on se rend compte que la mise à jour tant attendue n’est pas parfaite.
Dans le point de vue bazar, d’un autre côté, vous supposez qu’en général, les bogues sont un phénomène de surface — ou, en tout cas, qu’ils sautent rapidement aux yeux lorsqu’un millier de co-développeurs avides se précipitent sur toute nouvelle mise à jour. C’est pourquoi vous mettez à jour souvent afin de disposer de plus de corrections, et un effet de bord bénéfique est que vous avez moins à perdre si de temps en temps, un gros bogue vous échappe. La cathédrale et le bazar d’Eric S. Raymond
A declaration of Indepenance of Cyberspace de John Perry Barlow
John Perry Barlow est un des fondateurs de l’Electronic Frontier Fondation. En février 1996, il met en ligne une Déclaration d’indépendance du Cyberespace dans lequel il oppose le habitants du cyberesapce aux gouvernements. Il refuse à ce derniers le droit de s’occuper de affaires du cyberespace parce qu’il s’agit d’un espace sans territoire, parce qu’il a été créé sans l’aide de gouvernements, parce qu’ils ne connaissent ni la culture, ni l’éthique ni le règles du cyberespace, parce qu’il s’agit d’un monde en formation porteur d’idéaux de justice et de paix
Le Cyberespace est fait de transactions, de relations, et de la pensée elle-même, formant comme une onde stationnaire dans la toile de nos communications. Notre monde est à la fois partout et nulle part, mais il n’est pas où vivent les corps.
[…] Vous êtes terrifiés par vos propres enfants, parce qu’ils sont natifs dans un monde où vous serez toujours des immigrants. Parce que vous les craignez, vous confiez à vos bureaucraties les responsabilités de parents auxquelles vous êtes trop lâches pour faire face. Dans notre monde, tous les sentiments et expressions d’humanité, dégradants ou angéliques, font partie d’un monde unique, sans discontinuité, d’une conversation globale de bits. Nous ne pouvons pas séparer l’air qui étouffe de l’air où battent les ailes.
Un papier enthousiasme de Kevin Kelly de Wired qui retrace "dix années de génie et de folie". Il s’agit clairement d’un récit des origines racontant la naissance de La Machine. Par nos actions, par nos clics, par nos ajouts de vidéos et de commentaires, collectivement, nous formons La Machine, sorte de cerveau planétaire qui finira par nous apporter de nouvelles façons de penser
Think of the 100 billion times per day humans click on a Web page as a way of teaching the Machine what we think is important. Each time we forge a link between words, we teach it an idea. […]…
The Machine provided a new way of thinking (perfect search, total recall) and a new mind for an old species. It was the Beginning.
The Machine is us/ing u de Mike Wesh
Mike Wesh et anthropologue a l’univerité de Texas. Il a fait de YouTube son terrain et explore les questions et les problèmes que le cyberespace nous pose. En une poignée de secondes, il trace avec élégance les différents aspects du Web 2.0. Il montre la facilité avec laquelle les choses sont écrites, réécrite, classées, redistribuées sur le web nous confronte à une quantité d’information toujours plus grande. Nous devons organiser cette information et pour ce faire nous nous appuyons de plus en plus sur de sytème automatisé. C’et cette automatiation que Mike Wesh appelle la machine
Très intéressant comme article. Cela donne envie de lire certains des ouvrages cités.
Mais avant de me plonger là dedans, une question sur l’évolution du cyberspace. Est ce parceque cet endroit est dématérialisé qu’il ne suivra pas une évolution similaire à celle de l’homme sur Terre ? (On ne peux pas réduire notre monde physique à des problèmes territoriaux).
A part cela, n’y a-t il pas des textes fondateurs (selon ta définition) qui s’opposent au cyberspace, où le craigne. D’après les citations, il transparaît un espoir énorme, une sorte de rêve du geek pour un monde meilleur. Des textes opposés au cyberspace sont ils à l’origine des courants actuels de défiance face à ces évolutions ?
Ces textes sont cruciaux pour comprendre la culture cyberpunk qui règne sur le web, merci de les avoir compilé !
Des textes qui s’opposent au cyberespace ? Bonne idée ! je vais chercher cela.
Le cyberespace n’est pas si dématérialisé que cela. Les serveurs de Google ou de Second Life consomment des quantités industrielles d’énergie ! Sur l’évolution du cyberespace, je me garderai bien de dire quelque chose : je me souviens avoir dit “ca ne marchera pas” lorsque j’ai vu les blogs arriver, et “ça ne marchera pas” lorsque j’ai vu Twitter la première fois. Ca m’a rendu prudent !
C’est vrai que les texte sont porteurs d’un immense espoir. On a envie de se lever et de dire : “j’en suis !” Ce sont textes porteurs d’idéaux narcissiques et de toute puissance, ils promettent des renouveaux, et annoncent l’arrivée de nouveaux mondes. Nous avons besoins de textes de ce genre; nous avons aussi besoin d’y croire. Mais nous avons aussi besoin de nous en déprendre parce que des appareillages de ce genre se font toujours sur les dénominateurs communs.
et pour la France, il ya Hourtin’97. La fin du début, ou le début de la fin.
Très bonne initiative.
En ce qui concerne des textes qui “s’opposent” au cyberespace, il y a l’oeuvre de Paul Virilio (on trouve facilement des choses de lui sur la toile).
@Arthur Devriendt : merci pour la ref. Paul Virilio
belle liste d’ouvrages.
il me semble cependant qu’il manque The Temporary Autonomous
Zone de Hakim Bey, qui s’il est peu connu, a fait les délices
des pionniers.
On le trouve facilement, en plus. Merci.
The Temporary Autonomous Zon, Bey, Hakim. http://www.hermetic.com/bey/taz_cont.html
Concernant Virilio, sans être expert, j’ai plus l’impression qu’il reproche à l’informatique sa puissance de calcul, et le fait qu’elle ait échapper à l’humain (voir sa dromologie). Mais s’oppose-t-il vraiment à la culture du hacker ?
Parmi les auteurs français, Attali avait abordé Internet par analogie avec le labyrinthe ; il y a là aussi des choses intéressantes à creuser, mais on n’y trouvera pas l’enthousiasme des auteurs présentés par Yann. Ce critère suffit-il à les considérer comme rétifs au cyberespace ?