Nothing on TV

J’ai toujours été frappé la le fait que le cyberespace était un espace onirique. Cela est longtemps resté en moi comme une impression vague, faite de souvenirs de parties de jeu vidéo, et de rencontres étranges entre des éléments de la cyberculture et des éléments de théorie psychanalytique.

Par exemple, Le Neuromancien de William Gibson s’ouvre sur “Le ciel au-dessus du port était couleur télé calée sur un émetteur hors service” et j’associais cette couleur-bruit blanc à l’écran blanc du rêve de Lewin et au souvenir d’une fièvre enfantine. Pour moi, les liens entre ces trois éléments sont évidents, mais je peine à les traduire pour un autre.

Aussi ai-je été heureux de voir que John Suler avait un peu travaillé la question [The cyberspace as a dream world]. Pour lui, le cyberespace est comme un rêve car on y interagit comme dans un rêve : on vole, traverse des mur, parle à des personnes qui ne sont pas dans le même espace, les objets apparaissent et disparaissent comme par magie,  etc.

Mais la position de John Suler ne me satisfaisait pas totalement. Elle confond le rêve avec son produit final. Le rêve n’est pas le contenu manifeste. Il n’est pas le souvenir que l’on en a au réveil. Il n’est pas non plus dans les pensées latentes qui ont donné lieu au rêve. Le rêve est dans le travail du rêve, c’est-à-dire dans les opérations qui contribuent à transformer la matière psychique en images rêvées.

Comme le rêve, l’Internet est un espace d’inscription. Ces inscriptions peuvent prendre la forme d’un texte, d’une image, d’un son. Elles peuvent être générées automatiquement  ou être une action délibérée. Elles contiennent des expériences, des pensées, des représentations et des affects conscients et inconscients

Comme le rêve, l’Internet est un espace dynamique dans lequel la circulation des matières numériques est réglé par des processus spécifiques : copier, coller, éditer, envoyer, supprimer.

Comme le rêve, l’Internet est un espace économique dans lequel des charges d’investissement se déplacent. Ces charges d’investissement se traduisent par le fait qu’un groupe de discussion va se concentrer sur un fil de discussion, ou qu’une vidéo va être fortement investie et diffusée au travers des réseaux sociaux

Comme le rêve, le cyberespace est une espace de transformation et de travail psychique. La matière numérique est crée, copiée, collée, et transmise. Ces opérations permettent à la matière numérique d’être figurée, ce qui est la condition nécessaire pour qu’elle soit utilisable par des êtres humains. Elle est également objet de déplacements et de condensations, qui sont les deux autres mécanismes clés du rêve. Elle y est plus ou moins disponible en fonction des charges d’investissement dont elle est l’objet

Nothing on TV par futureatlas.com