sid clicks

Crédit Image : sid clicks par nathaniel s

L’être humain se développe au contact de deux types d’environnements. Le premier est l’environnement humain. Ce sont les personnes qui prennent soin de lui dans son enfance, puis ses partenaires de jeu et de travail. Le second environnement décisif dans le développement humain est l’environnement non humain. Il peut s’agir d’êtres vivants, mais aussi d’objets fabriqués ou d’éléments naturels. L’importance de l’environnement non-humain a d’abord été reconnue par le psychanalyste Harold Searles qui lui a contribué un tout un  livre. Plus récemment, Serge Tisseron a montré comment les objets contribuent à la vie psychique des individus et des sociétés. Un chien, un livre, un banc sur une place peuvent être pour une personne des appuis nécessaires et valables de sa vie psychique.

Les espaces numériques constituent un troisième environnement sur lequel nous pouvons appuyer notre fonctionnement psychique. Jusqu’à présent, les psychologues se sont surtout attaché à décrire et explorer les fonctionnements pathologiques qui peuvent être attachées aux espaces numériques.

Il nous faut maintenant reconnaitre et explorer la part la plus importante. Il nous faut reconnaitre combien les espaces numériques sont des espaces d’expression et de réalisation de soi. Il nous faut reconnaitre à quel point ils contribuent à notre fonctionnement psychique normal.

Cette reconnaissance nous est difficile pour au moins deux raisons. La première est la relative nouveauté de ces espaces. Il n’aura fallu qu’un génération à l’Internet pour devenir ubiquitaire coloniser des objets comme le téléphone, la télévision, et donner naissance à de nouveaux objets comme les tablettes tactiles. La seconde raison est que nous avons toujours tendance à sous-évaluer le rôle de l’environnement non-humain dans notre vie psychique, c’est-à-dire, finalement, à donner une trop grande importance à nous-même.

L’environnement est défini comme ce qui entoure et contribue aux besoins d’un individu ou d’une espèce ou plus généralement comme les conditions susceptibles d’agir sur les organismes vivants. Avec le développement des usages nomades (wi-fi et téléphone cellulaire) l’Internet a cessé d’être une destination aussi exotique que lointaine. Il n’est plus un lieu ou l’on se rend mais un espace à habiter. Il est devenu un espace commun et banal nous accompagnant dans nos quotidiens. Nous y formons des projets et nous y déposons des souvenirs.

L’environnement numérique contribue au développement psychologique normal de plusieurs façons.

La première contribution que les espaces numériques apportent au développement normal est qu’ils sont d’un abord plus simple que l’environnement humain. L’environnement numérique peut ainsi  être apprécié parce qu’il est vide des complications des relations humaines. Connecté à un ordinateur, profondément plongé dans l’édition d’un texte ou dans la modification d’une image, il est possible de se reposer de la fatigue d’être en lien avec d’autres êtres humains. L’ordinateur est un désert, mais c’est un désert qui apaise les appétits que suscitent la présence d’autres être humains.

La seconde contribution que les espaces numériques apportent au développement normal est qu’ils sont des espaces dans lesquels la maitrise et la perfection peuvent s’exercer pratiquement sans limite. Cela est vrai plus particulièrement pour certains jeux d’arcade et de baston qui nécessitent une exécution virtuose. On retrouve également ces éléments de maitrise et de perfection dans la manipulation des textes et des images. La maitrise et la perfection ouvrent sur des sentiments de réalisation de soi et de continuité. L’environnement numérique peut aussi être un environnement dans lequel un individu prend conscience de ses capacités. Cela peut être une habilité dans un jeu, un savoir faire numérique ou social. Certains joueurs s’investissent dans la gestion d’une guilde et doivent apprendre a gérer les conflits et les alliances qui existent dans tous groupe.

L’environnement numérique offre un espace dans lequel il est possible d’expérimenter des émotions qui sont impossible à exprimer ailleurs. Par exemple, un joueur vivra avec intensité dans l’espace de jeu une angoisse d’abandon en lien avec des expériences plus anciennes qui sont restées inconscientes.

Par sa permanence et sa stabilité, l’environnement numérique se présente comme un espace sécure dans lequel l’expérimentation est possible. Cette expérimentation concerne les émotions comme les différents aspects du Self. Par exemple, en ligne, une personne vivra avec intensité des émotions qu’elle est incapable de vivre par ailleurs. Elle se prendra de passion pour une personne ou une activité, ou encore utilisera le réseau comme un espace de projection de ses affects négatifs. L’expérimentation peut aussi concerner des aspects du Self. Les espaces numériques fournissent également de nombreuses occasion d’expérimenter différents aspects du Self que ce soit en termes d’identité sexuelle ou en termes de relations d’objets. En ligne, d’autre modalité d’être en lien avec soi-même ou avec les autres peuvent être expérimentés.

L’internet ou les jeux vidéo apportent une simplification des relations humaines. Dans un jeu vidéo, les rôles de chacun sont clairement identifiés, tout comme les bonnes façons de parvenir à la réussite. Dans un réseau social, une relation peut être interrompue d’un simple clic.

L’Internet apporte le sentiment de faire partie d’un ensemble plus vaste. Voir la Timeline de Twitter ou de Facebook, naviguer dans l’historique de ses SMS ou encore explorer un mot-clé sur Flickr sont autant d’occasions de se sentir connecté à de l’humain. Les messages exprimés peuvent nous être incompréhensibles, les images peuvent renvoyer à des évènements dont nous ignorons tous, nous les vivons comme des témoignage rassurants. Nous les comprenons en profondeur parce que, malgré la diversité des rites, des coutumes, des lieux, ils sont le fait d’autres hommes.