http://www.lessignets.com/signetsdiane/calendrier/images/juin/17/statue_liberte15.jpgL’Internet est souvent présenté comme un facteur de démocratisation. Le réseau participerait au bon mélange des masses, en mettant en contact des personnes d’horizons et d’intérêts différents. Le professeur et le maçon, l’adolescent et vieillard, le noir et le blanc trouveraient ici un espace ou ces différences ne compterait plus. Ce qui compterait, ce serait les compétence : la capacité à produire un beau texte, celle d’être présent et d’animer un lieu en ligne, ou encore des compétences à jouer remplacerait. En un mot, Internet serait une merveilleuse méritocratie.

danah boyd remet tout cela en cause lors d’une conférence au Personal Democracy Forum. “The Not-So-Hidden Politic of Class Online” Elle part de l’histoire de MySpace et de Facebook et montre que la façon dont les populations américaines s’y répartissent tient à des mécanismes d’exclusion sociale.

MySpace a été un des premiers site de réseau social ((pour l’histoire des sites de réseaux sociaux voir boyd, d. m., & Ellison, N. B. (2007). Social network sites: Definition, history, and scholarship. Journal of Computer-Mediated Communication, 13(1), article 11)) et le transfert d’une partie de sa population vers Facebook tient pour une part à l’attrait de la nouveauté. Mais Facebook s’est développé d’une façon particulière. Le site était d’abord réservé aux étudiants de Harvard, puis s’est ouvert aux universités de la [W:Ivy League] c’est-à-dire aux universités les plus prestigieuses. Lorsque l’inscription a été ouverte au grand public, le travail effectué par les premiers membres a fait le reste. Dans une communauté, les premiers membres sont très importants, car ils donnent la tonalité de l’ensemble. Les groupes se construisent, au moins a leurs commencement, sur une base communautaire : les nouveaux membres ressemblent aux membres plus anciens.

C’est cette homophilie qui a fait de MySpace et de Facebook des espaces sociaux si différents.Le peuplement de départ de Facebook est celui des universités et des grandes écoles c’est à dire des personnes qui pour la plupart sont issues de milieux aisés et instruits. Il s’est fait ensuite a partir des proches de ces étudiants.  Ce peuplement de base a servi d’amorce à la migration des utilisateurs de MySpace vers Facebook. Tous ceux qui se sentaient proches de la population d’origine de Facebook n’ont pas hésité à migrer. Les autres sont restés sur MySpace. Le phénomène est le même que celui qui a vidé les grandes villes des bourgeois et des classes moyennes. MySpace a subi des effets d’ostracisation, tout comme les quartiers de banlieue peuvent être ostracités : on a en fait un lieu peu recommandable, et les médias ont diffusé des histoires de prédateurs sexuels, contribuant ainsi à créer une panique morale qui a encore accentué l’ostracisation.

Au final, on a deux espaces, MySpace et Facebook qui s’ignorent totalement l’un l’autre. La technique aggrave ici les dynamiques sociales puisqu’il n’est pas possible à partir d’un des sites de communiquer avec le réseau de l’autre site.

 

danah boyd en tire des conclusions importantes

1. L’internet est un reflet de nos sociétés et il ne faut pas attendre des médias sociaux qu’ils résolvent magiquement les inégalités de nos sociétés.

2. L’internet n’est pas le lieu de l’universel. C’est un espace public, c’est à dire qu’il appartient aux classes dominantes, c’est à dire aux blancs instruits et aisés.

3. Pour ceux dont le travail est d’être en lien avec le public, être sur un réseau social, c’est indiquer quelle est la population à laquelle on s’intéresse et donc celle à laquelle on ne s’intéresse pas

4. Internet est une nouvelle arène politique, mais tous ne sont pas également armés. Si nous n’y prenons garde, si nous ne nous donnons pas la peine de donner a tous un accès et une littératie au réseau, nous risquons de produire de nouvelles inégalités qui vont s’ajouter aux anciennes