Le New-York Times, toujours à l’affut des nouvelles tendances du cyberespace, vient de faire une nouvelle découverte : avant d’entrer au collège, les étudiants américains prennent soin d’effacer leurs traces. La tendance est si forte qu’il s’agirait d’un nouveau rituel
L’entrée dans les collèges américains n’est pas une chose aisée. Non seulement les études sont onéreuses, mais les parents n’hésitent pas a payer un conseiller entre 1000 et 9000 dollars pour préparer au mieux la candidature de leur enfant. Dans ce contexte, un profil Facebook qui garde en mémoire des mois ou des années de frasques peut être vécu comme un handicap.
Aussi, les étudiants changent-ils de nom.. Les changements de noms jouent sur les homophonies et les calembours, par exemple Amy devient Aim E. Pour certains professeurs, le changement de nom ne suffit pas, et des sessions de “nettoyage” sont organisées avec les élèves.
C’est là un épisode de plus entre les tactiques individuelles et les stratégies institutionnelles. Il y aura toujours des interstices que les individus utiliseront de façon créative, même dans un espace comme l’Internet qui a la tentation panoptique dans ses gènes. Facebook avait imposé une norme : on y est sous son vrai nom, alors que la culture de l’Internet était celle du pseudonyme, voire de la tromperie. Avec ces jeux sur le nom, on en reviendrait aux positions premières.
Il reste tout de même inquiétant de voir avec quelle facilité toute une classe d’âge se soumet aux impératifs d’une institution, Il est inquiétant de voir que l’état ne s’occupe pas de protéger davantage ses citoyens les plus jeunes : depuis quand d’autres critères que scolaires doivent-ils être appliqués pour prétendre entrer dans un établissement universitaire ?
L’hygiènisme identitaire des étudiants américains est une bonne illustration de la modification des systèmes de surveillance. ils deviennent si pervasifs et si intériorisés que les individus peinent à instaurer des logiques de conflit.. La surveillance n’est plus présentée comme une poids mais comme quelque chose d’agréable. La servitude n’est plus volontaire : elle est désirée.
Enfin, il est difficile de ne pas remarquer que terme de “nettoyer” (utilisé aussi dans les jeux vidéo) a des résonnances sinistres dans notre histoire proche. Même sans aller jusqu’à l’horreur nazie, c’est tout de même ce terme qui est utilisé à chaque fois que des crimes de guerre ont été commis : au Viet-Nam, en Algérie, en Bosnie, au Rwanda…L’idéal hygiéniste appliqué à l’identité d’une personne ou d’un groupe n’a jamais donné de bons résultats.
Sur la société de surveillance… ou de discrimination qui est en train de se mettre en place, l’article de Jean-Marc Manach est à lire : on y verra que la mobilité a laquelle nous donnons tant de valeur est le signe certain de notre soumission aux surveillances dont nous sommes l’objet.
Excellent billet, en effet, le nettoyage est un terme intéressant, le mieux étant de rester propre et de nettoyer au fur et à mesure.. Comme pour son appartement ;)
C’est à en devenir schizophrène : avoir sa vraie identité sur le net, et s’en créer une IRL … C’est un peu inquiétant :-/
A en devenir schizophrène, oui…
Espérons que cette identité ‘propre’ ne donnera pas aux re-nouveaux nés des idées de nouvelle vie à la Dexter;
et que ceux qui s’apprêtent à nettoyer leurs traces ne profitent pas de leurs derniers instants de crasse affichée pour renverser la théière sur la moquette à papi!!
Pour la moquette a papy je ne promets rien mais pour ce qui est des Dexter like je peux garantir qu’ils ne sont pas produits par Facebook !Et puisque l’on parle d’une connaissance commune j’en profite pour rappeler que j’en ai parlé sur http://psychologik.blogspot.com
la fleime de commenter alors j’ai juste cliqué sur le “j’aime” mais, bravo pour le référencement de l’article dans la revue de web d’Internet Actu :-)
Hey ! mais cliquer sur “J’aime” est déjà un bel effort !
Je suis très fier d’être sur la revue web d’Internet Actu !
…et je vois que ça t’a apporté au moins une lectrice de plus qui a “aimé”
Excellent article. Il y a quand même sur ce sujet une vraie spécificité US. Les universités et écoles françaises n’ont pas les mêmes modes de sélections et prennent à peine conscience de l’existence des réseaux sociaux et de l’interaction que leur institution peut y produire, alors fouiller le passé des candidats à l’admission… il va encore couler de l’eau sous les ponts avant que ce soit le cas. Chez nous la remarque vaudrait sans doute plus au moment de l’entrée dans l’entreprise. Même si la plupart n’ont pas non plus intégré la dimension “web social” dans leur recrutement.