Une équipe de psychologues israéliens dirigée par Yair Amichai-Hamburger a comparé 69 wikipediens avec 70 autres personnes ne contribuant pas à l’ encyclopédie en ligne.

L’étude a utilisé deux questionnaires en ligne : le BFI (Big Five Inventory Questionnaire) et le Real-Me.

Le BFI  est une version courte du Big Five Questionnaire; il évalue cinq traits de personnalité : l’extraversion (être bavard, plein d’énergie…), l’agréabilité (être sympathique, amical…), la conscience (être organisé, planificateur…), la stabilité émotionnelle (anxiété, stress) et l’ouverture à la nouveauté (avoir des intérets divers, être imaginatif)

Le Real-Me est composé de quatre questions qui évaluent la facilité avec laquelle les participants communiquent sur Internet comparativement avec le monde hors ligne.

L’hypothèse testée est la suivante : les wikipediens ont davantage tendance à exprimer leur “vrai moi” sur l’Internet comparativement aux autres internautes. La seconde hypothèse était que les wikipediens auraient un score d’extroversion plus faible que les autres.

 

Les résultats

Les résultats montrent que les wikipédiens ont tendance à être davantage eux-même sur l’Internet mais ils sont aussi moins agréables à vivre et ouverts (agreeableness and openness) que la population contrôle. Les auteurs rendent compte de la contradiction qui existe entre ce dernier résultat et le fait que Wikipédia soit un espace de socialisation en avançant l’hypothèse que la sociabilité wikipédienne est alimentée par “des motivations égocentriques comme l’expression personnelle, l’augmentation de la confiance en soi ou l’identification au groupe”

Les auteurs notent une différence liée au sexe : les femmes semblent utiliser l’Internet comme un “outil compensatoire”

 

Critiques

J’ai tendance a me méfier lorsque les résultats d’une étude collent si parfaitement à un stéréotype : les wikipediens  sont des geeks/nerds [mettez votre étiquette préférée] avec de faibles compétences sociales. Ils utilisent l’Internet comme un espace de compensation car leur est difficile d’avoir des relations sociales dans l’espace géographique.

Comme dans toutes les études de psychologie, le choix des outils est crucial. Le questionnaire Real-Me est basé l’idée d’une différence en/hors ligne qui est plus que questionnable. Jusqu’à présent en effet, rien n’a jamais prouvé que nous soyons différents en ligne et hors ligne.

Pour ce qui est du BFI, il s’agit plus d’une mesure de la représentation que la personne a d’elle même que d’un test de personnalité. Il aurait fallu pour cela utiliser un test projectif de personnalité, c’est à dire un test qui permet de recueillir des éléments de la vie inconsciente de la personne. Pour donner une idée des différences, la version en ligne du BFI se passe en 5 ou 10 minutes tandis que la passation d’un Rorschach ou d’un TAT dure entre 20 et  60 minutes et l’interprétation des résultats prend entre une et trois heures de travail !

Il y a également les critiques habituelles que l’on fait au BFI : les facteurs ne sont pas tous indépendants; le BFI n’exprime pas toute la psychologie humaine; il est auto-administré.

Enfin, tout processus social met en jeu le narcissisme de chacun. Toute construction sociale est un délicat partage entre le bien commun et les besoins pulsionnels et narcissique des individus

 

Reste ce mystère si wikipediens sont si peu agréables et ouverts à la nouveauté, comment ont-ils pu construire Wikipédia ?

 

(via Nicholas Carr via NewScientist.com)

 

L’étude : Personnality Characteristics of Wikipedia Members.