" J’avais deux cent jours de uptime sur Greedo," dit Van. Greedo était le plus vieux serveur du rack, du temps où ils leurs donnaient des noms Star Wars. Aujourd’hui c’était des noms de Schtroumpfs et comme ils avaient épuisé tous les noms de Schtroumpfs ils entamaient les noms de personnages McDonald, commençant avec le portable de Van, Mayor McCheese.
" Greedo se relèvera, " dit Félix. " J’ai un 486 dans la salle en bas qui a plus de cinq ans d’uptime. Ça va me briser le coeur de le rebooter. "
" A quelle vieille daube increvable peut encore te servir un 486 ? "
" A rien. Mais qui éteint une bécane qui a plus de 5 ans d’uptime ? C’est comme euthanasier ta grand mère " Quand les sysadmin dirigeaient le monde. Cory Doctorow
Suivez le Geek a posté un billet ou il se faisait d’écho d’une discussion sur Reddit : comment appelez vous votre ordinateur ? L’adresse du billet a été postée par mes soins sur Twitter, et donné lieu a une conversation intéressante.
@bodyspacesoc poste une succession de tweets épiques que je regroupe ici. En quelques minutes, il mis en ligne un texte qui ne souffre pas de la limite des 140 caractères
cette histoire de sobriquets d’ordi relève d’une dynamique historique : l’imaginaire majestueux des big irons (Colossus, UNIVAC) / Les grands calculateurs automatiques d’après-guerre se heurtent à la reterritorialisation des ordinateurs des années 1970 & 1980 / dès qu’on a commencé à parler de home et family computer, les noms commerciaux se sont adaptés / Apple produit Lisa, d’après le prénom de la petite fille de son créateur Steve Jobs. / Le célèbre Commodore Vic 20 est ainsi baptisé parce qu’il aurait pu passer (selon son concepteur)"pour le nom d’un camionneur". / Le même prénom qui inspire la société toulousaine Micronique en 1980, lors de la commercialisation de son modèle Victor Lambda./ dans la même période certains producteurs n’hésitent pas à infantiliser leurs produits, au bénéfice d’un public plus jeune./ Après le succès de l’ABC de l’agence gouvernementale suédoise Scandia Metric, la danoise Regnencentralen crée RC 700 Piccolo. / Matsushita présente alors Junior100 en 1981 et IBM lance son PCjr en 1983, conçus pour l’éveil informatique. / Quand les noms d’hommes et d’enfants ne suffisent plus pour évoquer un air de famille, on emprunte au domaine animal- ou végétal / animaux de compagnie (Commodore Pet), d’abeilles (MicroBee), de pommes (Apple), de glands (Acorn) et d’abricots (Apricot PC)./ animaux de compagnie (Commodore Pet), d’abeilles (MicroBee), de pommes (Apple), de glands (Acorn) et d’abricots (Apricot PC)./ Les fiascos commerciaux les plus retentissants de la décennie portent les noms d’êtres mythiques (Dragon Data),/ le centrales nucléaires (Atom), de souverains (Charlemagne 999), de femmes fatales (Vixen) ou de fleurs rares (Symag Orchidée) . Bodyspacesoc
Les ordinateurs nous accompagnent dans tant d’activités quotidienne, ils sont si présents à nos émotions, ils médient si fréquemment les relations que nous avons avec d’autres humains, ils reçoivent tant de nos émotions et de nos pensées, que nous avons tendance à les percevoir comme vivants et pour certains comme des membres à part entière de notre famille ou même de nous même.
Nous aimons donner des noms aux objets qui nous entourent et nos ordinateurs n’échappent pas a la règle. D’autres twitterers, @papilles @Otir @popolatortue @jeremyverda , sont dans la discussion : @papilles ne donne pas de noms a ses ordinateurs, @Otir appelle tous ses ordinateurs Horion et incrémente le numéro à chaque génération, @neuromancien appelle le sien Thierry Henry “parce qu’il faut toujours y mettre la main” et @popolatortue appelle le sien carapace.
Donner un nom a son ordinateur ou à son réseau a une double fonction. La première est d’apprivoiser l’environnement non-humain, de le faire sien, de le rapprocher de soi. Ce rapprochement est inévitable : les ordinateurs sont si présents à nos vies qu’ils en deviennent les témoins silencieux. C’est avec eux que nous préparons nos vacances, que nous achetons les billets et payons les locations et c’est à eux que nous confions les images qui vont commémorer les bons moments passés. Pour un nombre grandissant de personnes, l’ordinateur est devenu un carrefour de vie. C’est aussi bien un point de départ pour des projets qu’un point d’arrivée pour des archives.
La seconde est de s’apprivoiser soi-même. L’ordinateur fonctionne alors comme un miroir pour le self. A chaque fois que l’on voit le nom que l’on a donné à la machine, le réseau d’association inconscientes qui lui est lié est réactivé. L’utilisateur est ainsi a chaque fois en contact avec le fantasme ou le désir qui a été a l’origine de la formation de ce nom. Ces contacts répétés permettent une lente introjection de ce qui avait été pour un temps tenu à l’écart du fonctionnement général du psychisme.
En lisant l’article, je me suis demandé ce que j’avais fait pour le nom de mon PC. En fait il y a tout une histoire.
Quand j’ai eu mon premier PC en 1993, j’avais besoin d’organiser mes 120 Mo de HD, j’ai donc fait 2 partitions, une pour le système C, et une autre pour les données, D. Pratique, mais impersonnel.
Or étant friand des mondes oniriques, et ayant vu l’idée chez un ami, je les ai rapidement renommés Cairn (en référence au Cairns de la ballade de Pern, sorte de grotte et quartier général) et Dungan (en référence à Duncan Mc Leod, mais en plus doux à l’oreille, donc avec un “g” plutôt qu’un “k”)
La tradition a duré, et dure encore, sauf qu’avec les évolutions de Windows sont venu les comptes sur un PC, et je trouvais plus fun de “retrouver” Dungan que de taper mon nom…
Et sont arrivés les jeux en ligne, notamment Diablo, et là Dungan était parfait comme nom, devenu par là même mon Nick dans les jeux, en ligne, etc… Si je vais jusqu’au bout de l’analyse, c’est maintenant le nom de ma session, et celle-ci n’est plus matérielle, ce qui correspond aussi à l’évolution de l’usage et de la représentation du service rendu par un ordinateur.
Aujourd’hui mon PC n’a pas de nom, ceci étant quand je me connecte à Dungan je suis vraiment “chez moi” … dans pas mal de sens en fait ;) Quand ma femme se connecte à sa session sur le même PC, elle est chez elle.
Donc pour résumer un nom de disque dur, est devenu celui d’un PC, puis mon nom, puis celui où se trouvent ces éléments du numérique qui font que je suis “chez moi”.
Je sais : je suis long a la détente ! Merci Dungan de ce témoignage qui illustre bien les liens croises et dynamiques entre usage numériques et identite !