Notre culture est bâtie sur le livre – d’aucun diraient même sa religion ou sa fétichisation. Toute transformation de cet artéfact a nécessairement des effets sur la culture dans son entier. Nous en avons déjà eu la preuve avec l’invention de Gutenberg. Toute le mouvement de la Renaissance peut être compris comme une conséquence du double effet de l’imprimerie : l’accumulation des savoirs d’un coté, et leur diffusion de l’autre..
Le livre change. En changeant de forme, il permet des annotations et des extractions et il est le lieu de pratiques sociales et remet en cause la notion d’auteur (Hervé Le Crosnier). Il rend l’acte de lecture compliqué et difficile et produit une surcharge cognitive. Finalement, l’environnement de la lecture numérique serait peu favorable à une attention approfondie (Alain Giffard). Les difficultés de lecture sont dues en partie au média lui même : le scintillement des écrans en rend difficile la lecture (Thierry Baccino). L’utilisateur devient participant de la bibliothèque (Isabelle Le Masne de Chermont). Le livre numérique fait également courir des risques d’éugénisme documentaire en devenant un “monopolivre” (Marin Dacos). Il produit de nouveaux processus de grammatisation principalement au service des logiques commerciales (Bernard Stiegler)
L’idée générale est celle d’une opposition entre la profondeur et la surface. Le numérique serait finalement un monde de la superficialité et de l’immédiateté tandis que le livre emprunterait les longs sillons de la profondeur et de l’histoire.
Sur le sujet on lira aussi De l’écrit sur l’écran superbe introduction de Roger Chartier au colloque Les écritures d’écran : histoire, pratiques et espaces sur le Web (mai 2005) et Du Codex à l’Écran : les trajectoires de l’écrit
Je comprends que l’on puisse s’inquiéter des changements que l’on vois s’opérer presque au jour le jour. Mais là où l’on voit la dilution de l’attention, ne peut-on pas aussi voir une attention à autre chose ? N’est ce pas la fin du rapport quasi-hypnotique du lecteur à l’auteur ? Ne faut-il pas voir cette “dilution” comme une libération ? Là ou l’on voit de la perte de sens, ne peut on pas voir un enrichissement à d’autres sens ? Là ou l’on voit la mort de l’auteur (tout de même annoncée depuis les années 70 !), ne peut on pas voir des créations multiples ?
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Tellement d’accord. Ce nouveau support fait peur et c’est la seule (mauvaise) excuse que l’on peut accorder a ses detracteurs.
Car le livre, objet materiel, sera toujours l’objet de fetichisme et de veneration, alors que le livre numerique deviendra, lui, support d’experimentation et de nouvelles formes narratives.
Ne craignons pas le livre numerique, accueillons le !
(Ps : commentaire redige avec un clavier numerique sans accents- et alors ?)
On pardonnera l’utilisation du clavier sans accents (-:
Bonnes questions. Le livre imprimé transmet des images, plus ou moins floues, puisqu’il s’agit de simples signes, symboliques. Voir ces mêmes signes présenté sur écran, donc plus fugitifs (ils disparaissent si on l’éteint) rend la lecture plus virtuelle. Cette incertitude, cette instabilité change évidemment le style. Donc les deux techniques devraient cohabiter, à mon avis d’homme d’image.Pareille dichotomie entre la télévision et le cinéma.