Instagram est une application de partage de photographie. Lancée en octobre 2010, elle réunit 15 aujourd’hui d’utilisateurs. Elle est en passe d’être l’application la plus utilisée sur les smartphones.
Instagram permet de prendre des photographie avec un iPhone (l’application n’existe pas encore sur d’autres plateformes) . L’image peut ensuite être modifiée à l’aide de filtres puis partagée sur différents réseaux sociaux (Facebook, Flickr, Tumblr, Foursquare, Posterous ou avec une adresse email.)L’utilisateur peut s’abonner a des personnes et suivre leur activité.Chaque image peut faire l’objet de différentes opérations : aimer, commenter, twitter.. Enfin, les images les plus populaires sont mises en avant.
Plusieurs éléments président au succès de l’application.
Il y a d’abord des éléments techniques : l’ergonomie de l’application est excellente, et elle fonctionne bien. Elle ne suscite donc chez l’utilisateur nif frustration, ni angoisse. L’utilisateur s’approche en effet de la zone de fonctionnement transitionnelle où les choses arrivent exactement au moment où l’on a besoin. Le cyberespace est en général construit autour de cette illusion : les choses s’y passent sans friction. Cela fait vivre avec d’autant plus d’acuité les échecs. Instagram évite à l’utilisateur les messages du type “upload failed” qui sont toujours vécus comme des échecs personnels. Loin de ces échecs et des angoisses qui y sont associées, les opérations effectuées avec Instagram apporte à l’utilisateur un sentiment de réussite et d’accomplissement. Par ailleurs limitations que l’espace géographie impose à son être son être sont suspendues puisqu’il est possible d’être via son image dans plusieurs lieux à la fois.
Les autres raisons du succès d’Instagram tiennent a la nature des images.
Pour les auteurs de l’application, Instagram est un télégramme instantané (“instant telegram”). Mais on pourrait tout aussi bien dire qu’il d’engrammes par lesquels l’utilisateur marque le temps qui passe.On peut d’ailleur lire l’adresse web http://instagr.am/ comme “Inst tag r am” que l’on pourrait alors traduire par “je/nous sommes une étiquette instantannée”. Je n’oserais pas un “Je un “Je/nous tag donc je/nous suis ?” La notion de “d’identité narrative” de Paul Ricoeur est ici précieuse. Les bornes de notre vie, nous dit le philosophe, sont imprécises. Nous ne sommes pas les auteurs de notre vie, et notre enfance se perdent dans les brumes de l’oubli. Il n’y a pas que l’origine de notre vie qui nous échappe : son terme aussi. La mort ne peut être qu’imaginée au travers des récits mythologiques et religieux. Quand à ce qui se passe entre ces deux bornes, c’est tout aussi imprécis. De grandes dates anniversaires servent de pivots à la mémoire, mais en général, celle ci est bien imprécise. Les choses se sont encore aggravées avec les sociétés modernes puisque chacun est appelé à s’inventer. L’identité est moins assujettie a des institution et livrée aux mouvements des désirs individuels.
Dans ce contexte, une application comme Instagram est plus que bienvenue. Elle permet de marquer les évènements les plus banaux – qui font tout de même ce que l’on appelle une vie. Ce faisant, elle donne a chacun des repères : “je suis ici”, “je fais ceci”, “je pense cela”. Ces fragments de discours concourent à former l’identité narrative. A chaque photo, quelqu’un ou quelque chose se raconte. Chaque image est traversée par un double discours : le discours conscient, adressé ou non à quelqu’un et un discours inconscient que chacun s’adresse dans le secret de sa vie psychique.
Sur Instagram, les fils narratifs de chaque un peuvent être commentés par d’autres. Les commentaires sont comme les fils de trame qui courent sur la chaine des discours individuels. Ils forment un tissus dense de mots et d’images qui sont alors partagées dans le réseau social. Ainsi, les discours narratifs ne se clôturent pas sur eux-même. ils sont ouverts aux discours autres. Ils sont même en attente de ces discours.
A ces aspects sociaux, il faut aussi ajouter des aspects qui concernent la matière première d’Instagram : l’image. Trois éléments sont ici à prendre en compte
Prendre une image, c’est d’abord se donner l’occasion d’une représentation. L’image ne correspond jamais totalement à ce qui a été perçu. Elle est re-présentée a la perception, ce qui donne l’occasion de penser les choses tout à fait autrement. La prise d’image est tout un projet Prendre l’image d’une plage au sable fin, c’est déjà se donner l’occasion de penser à la fin de ses vacances. Parfois, les images sont aussi prises pour être enfermées quelque part en soi : lorsqu’un évènement est trop émouvant, avoir un appareil photographique peut rendre bien des services. D’une façon générale, mettre devant soi une image, c’est se donner l’occasion de penser ce qui a présidé à sa formation et à sa fabrication.
Ensuite, Instagram permet de transformer les images avant de les mettre en ligne. Transformer une image, c’est avoir prise sur elle et le monde qu’elle contient. C’est aussi effectuer des opérations psychiques et se transformer soi. En effet, d’une certaine façon, l’oubli est une manière de modifier une image mentale : un élément est flouté, ou alors découpé et remplacé par un autre. Les déplacements et les refoulements qui réaménagent nos mémoires au gré de nos désirs et de nos interdits inconscients sont autant de “copier”, de “couper” et de “coller” que nous effectuons sur nos images mentales
Les transformations effectuées avec Instagram sont d’un type très particulier. Elles donnent aux images l’aspect de photographies prises avec les appareils instantanés des années 70-80. C’est alors tout un monde qui s’ouvre a lui : il se voit feuilletant les vieilles photos de l’album familial. Parfois, il se retrouve ramené trente ou quarante ans en arrière. Il est enfant, pris en photo par un parent, ou parent capturant un moment de vie de son enfant. En d’autres termes, ces images sont des véhicules permettant de revisiter les mémoires familiales et individuelles. En ayant l’apparence de vieilles photos, elles aident à retrouver les sensations et les émotions du passé.
Enfin, pour chaque succès, il faut un peu de chance. Instagram a peut être bénéficié d’un concours de circonstances. Chaque génération passe par un moment particulier ou elle se retrouve au même âge que ses parents. La mémoire se virtualise alors car chacun voit les choses de sa place, mais aussi de la place des différents protagonistes du passé. Avec Instagram, l’utilisateur est à la fois l’utilisateur du temps présent, l’enfant du passé photographié, et le parent photographe.
Pour conclure, les attraits d’Instagram résident dans les points suivants
L’image est une colle sociale. Elle nous permet de nous immerger dans les mémoires individuelles et collectives et de partager à nouveau des émotions et des paroles.
La transformation des images nous met au contact des transformations que nous effectuons dans nos appareils psychiques.
Les flux d’images et la trame de commentaires permettent de construire des identités narratives et de se réapproprier sa propre existence au travers de la banalité de la vie quotidienne
Bonjour,
Merci pour cet article très détaillé et très intéressant. Je ne m’étais jamais posée la question auparavant mais j’ai trouvé de nombreuses réponses !
Il me semble que ta vision de cette appli est très biaisée,
j’entends pas cela que pour moi instagram est un phénomène de plus
qui exacerbe le nombrilisme et le narcissisme des masses;
soyons sérieux, écrire son histoire personnelle? Hum!
Je suis assé d’accord avec cet article. En effet Instagram devient un medium entre le souvenir et le temps qui passe. Le caractère vieilli des traitements proposés, renforce cette sensation de nostalgie. Ensuite, il est clair qu’il ne s’agit la que d’un nouveau réseau social où égocentrisme est de rigueur la plupart du temps. Il n’y a qu’a observer la pages “popular” pour s’en persuader. A coté de ça, il existe une véritable créativité sur ce support de la part de nombreux utilisateurs et j’irais jusqu’à parler de dialogue entre les images et d’émulation.
Instagram s’impose comme un incontournable.