Je suis en train d’écrire mon intervention pour le prochain Carrefour & Médiation qui se tiendra à Toulouse samedi prochain… et je suis plus qu’en retard. J’oscille entre l’écriture de la présentation etl’écriture du texte. C’est en soi un travail intéressant, car les deux écritures sont très différentes. Un brouillon de la présentation a été mis sur SlideShare : vos commentaires sont bienvenus
En voici l’axe principal : les mondes numériques sont des mondes complexes. Ils nous confrontent la perte des limites et à la multitude. La perte des limites est due au fait que nous n’avons aucun moyen de connaître les limites des environnements que nous visitons : l’espace d’une liste de diffusion ou d’un bavardoir peut s’étendre indéfiniment pour accueillir toujours plus de nouveaux participants. Nous n’avons du web qu’une connaissance très limitée : nous visitons les même sites tous les jours, découpant au gré de nos visites un territoire qui est à la fois famillier et rassurant.
Quant à la multitude, les tensions auxquelles elle nous soumet sont incessantes : la quantité d’information que nous avons à traiter s’ accroît tous les jours. Tous les jours, nous avons à trier le spam, dans nos boites emails comme dans les commentaires de nos blogs. Tous les jours nous avons à décider de ce qui est urgent de ce qui ne l’est pas – et tout est urgent !, du lolcat à poster au mail à envoyer à son chef de service. Tous les jours nous avons à hiérarchiser les taches à faire. Tous les jours, nous avons à nous différencier des autres. Tous les jours, plus d’un autre autres appellent nos investissements narcissiques, érotiques ou agressif.
Dans le cyberspace, nous sommes soumis à un travail d’individuation – j’ai ma propre forme, unique – et de différenciation – elle est différente de toutes les autres. Ce travail, nous le faisons tous les jours. Il garantit notre sentiment d’une continuité d’exister. Mais sur Internet, il est porté à son comble du fait des grands nombres.
C’est un travail de Sysyphe.
Bien sûr, nous sommes assistés dans notre travail : des pare-feux nous permettent de délimiter un “dehans” d’un “dehors” toujours plus ou moins suspecté d’être envahis d’entités menaçantes, des dispositifs automatiques comme Askimet filtrent l’humain du non humain, d’autres, comme le CAPCHA font le même travail en amont, et vérifient avant l’écriture de l’humanité du commentateur. Mais le remède a sa part de paradoxe : c’est à des machines que nous demandons de nous aider pour décider de ce qui est humain de ce qui ne l’est pas, comme de ce que nous jugeons “bon” ou “mauvais”, assimilable ou non assimilable
Pour faire face à ce travail de Sysyphe nous disposons d’un équipement interne : le groupe. De la même façon qu’un scaphandre permet au cosmonaute des sorties extravéhiculaires, le groupe nous permet de vivre dans le cyberspace.
Le groupe nous permet en effet de réduire l’inconnu du cyberspace à quelque chose de plus connu. C’est une formation psychique qui nous permet d’appareiller la pluralité, et elle est donc tout à fait adaptée pour traiter aux multitudes de l’Internet
Il est aussi probablement d’autres formations psychologiques qui nous permettent de vivre dans les nuages. J’en vois au moins deux :
- L’appareillage narcissique : le narcissisme est une des marques de l’Internet et les choses se sont encore accentuée avec l’amélioration des bandes passantes qui a facilité la mise en ligne d’images. Que de contrastes entre lareligion du texte dont a fait preuve Usenet et la quasi obligation du Web 2.0 de mettre une image sur son profil. Cet appareillage narcissique apparait également dans la façon dont les fantasmes de toute puissance sont brassé : un évènement est toujours GRAND,
- L’appareillage idéologique : les hymnes du Web 2.0 comme We are the Web ou
au contraire les contempteurs de l’Internet comme Andrew Keen pour qui le
réseau n’est qu’un espace de non-culture voire même préjudiciable à la culture
correspondent à cet appareillage