Toute personne qui a joué a un jeu vidéo a fait l’expérience du “Encore une minute”. Une minute pour ranger son inventaire, une minute pour finir la construction de ce bâtiment, une minute pour aller à tel endroit. Bien évidement, la minute se transforme en une poignées de minutes. Pour quelques personnes, le temps passé à jouer pour s’étirer bien davantage et se transformer en heures.

C’est à cette expérience du temps particulière que s’intéresse Katerina Lukavska dans Time perspective as a Predictor of Massive Multiplayer Online Role-Playing Game Playing.

Katerina Lubavska reprend  la notion de “perspective temporelle” de Philipp Zimbardo selon laquelle le temps est perçu comme passé, présent ou futur. Le présent et le passé peuvent être connotés positivement ou négativement et les différentes perspectives temporelles sont liées à des traits de personnalité.

Le sens commun voudrait que le temps passé à jouer soit lié a la satisfaction immédiate. Le joueur aurait des difficultés à arrêter de jouer parce qu’il est toujours difficile de mettre fin à une source de plaisir.

Katerina Lukavska fait une hypothèse différente. Pour elle, si le temps passé à jouer dépend bien de la perspective temporelle du jouer, il faut inverser la flèche du temps. L’essentiel n’est pas dans les plaisirs actuels que dans les perspectives peu engageantes du futur. Elle  fait l’hypothèse qu’elle trouvera une relation positive entre le temps présent et le temps passé a jouer tandis que le future sera lié à des éléments négatifs

141 hommes et 13 femmes ont été recrutés sur des forums de jeux vidéo. Le temps moyen de jeu par semaine est de 28 heures (déviation standart 19 heures), et le temps moyen d’une session est de 4 heures (déviation standard 2,45)

Les résultats montrent un lien entre le temps de jeu et la perspective temporelle et plus particulièrement de la composante “présent fataliste”. Cette composante est liée a des traits de personnalité comme l’agression, la dépression et l’insatisfaction.  Par contre, lorsque les joueurs sont orientés vers le futur, le temps de jeu est bien moins important.

Pour Katerina Lukavska, la prévalence de “présent fataliste” montre que les joueurs ne jouent pas pour obtenir un plaisir immédiat. Ils jouent pour diminuer les sentiments négatifs qu’ils éprouvent. Mon commentaire à ce niveau serait plutôt de dire que les joueurs jouent pour diminuer les zones de conflits que la dépression, l’insatisfaction ou l’agression créent en eux car l’idée d’une émotion “négative” ou “positive” dépend de la théorie sous-jacente.

Le temps de jeu est une stratégie adaptative par laquelle un individu fait face à une situation difficile ou stressante. Quelque soit le temps passé à jouer, il ne faut pas oublier que ces mécanismes de  “coping” sont aussi des stratégies de dégagement visant à permettre à la personne de sortir de la situation difficile dans laquelle il se trouve

Ce que l’on peut tirer de cette étude

* le jeu vidéo excessif (“gaming”)n’est pas le jeu pathologique (“gambling”). Dans les pathologies du jeu, les joueurs espèrent tirer un bénéfice immédiat du jeu : il vont “se refaire”, gagner beaucoup d’argent etc.

* le jeu vidéo, même lorsqu’il est excessif  est un mécanisme de coping par lequel une personne tente de s’adapter à une situation difficile, que celle-ci corresponde a des éléments internes ou externes.

* le jeu vidéo est un contenant dans lequel les joueurs s’essaient à réguler leurs états psychiques.

* le jeu vidéo est une évasion qui permet de se rapprocher de soi.

La théorie de Philip Zimbardo a été mise en images par RSAnimate

L’étude

Lukavska, K.. (2011). Time Perspective as a Predictor of Massive Multiplayer Online Role-Playing Game Playing. Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking. doi:10.1089/cyber.2011.0171.