J’étais hier à la Gamer Assembly pour une table ronde sur les jeux vidéo avec Vanessa Lalo, Eric Leguay et Vincent Bellec (Animateur) Le public de ce genre de manifestations n’est généralement pas très friands de tables rondes. Ils viennent pour jouer, ont des idées sur ce que peut être le jeu vidéo, sont assez fatigués d’entendre comparer les jeux vidéo à des drogues et les gameurs à des gamblers ou des drogués. Cependant, il y a eu quelques personnes suffisamment intéressées pour participer à cette table ronde qui a donné lieu à des échanges intéressants. Le mythe de l’addiction aux jeux vidéo ayant été rapidement traité, nous avons pu discuter des questions importantes : quelle est la place du corps dans les jeux vidéo ? Comment se rendre compte des utilisations problématiques du jeu vidéo ?
Gamer Assembly
Quelques mots rapides sur la Gamer Assembly. D’abord, voir pendant la séance inaugurale les images d’un jeu vidéo dans une salle de cinéma est vraiment quelque chose d’étonnant. Le jeu vidéo prend une toute autre dimension. Paperplane y a été présenté, et c’est un jeu plein de poésie. Paperplane est un projet d’étude d’élèves. de l’ENJMIN et les images présentées donnent vraiment envie d’attraper la manette. On a pu aussi voir Kayane, championne de France de DOA, montrer une fois encore qu’il ne faut pas se fier aux apparences : on peut être une séduisante jeune femme et une gameuse redoutable. La Gamer Assembly c’était aussi plus d’une d’une centaine de machines connectées, des parties de CS:Source, Battlefield ou de MoH, CoD, ou TF, entendre des cris de joie (HEADSHOT ! –1 ! REZ !), des discussion avec des gameurs, des étonnements devant les bricolages de quelques uns, une bonne discussion avec @Laouffir, une interview avec France 3 Poitou Charente…
Tout cela a donné lieu à quelques réflexions que je vous livre ici. 1. Les interfaces tactiles vont se développer pour des raisons psychologiques. 2. La réalité augmentée, outil du psychothérapeute et 3. Le cinéma dynamique comme dispositif symbolisant.
Les ruses de la symbolisation
R.U.S.E. est en soi un bon jeu pour qui aime les STR. Mais jouer sur un écran tactile comme celui du Médion X9613 fait entrer le jeu dans une autre dimension. L’iPad, après l’iPhone, montre le gout que nous avons pour les interfaces tactiles. Eric Leguay me faisait remarquer que ce n’est pas quelque chose de nouveau : les romains avaient déjà l’habitude de se promener avec une tablette d’argile pour prendre quelques notes. Ces écrans vont envahir nos quotidiens de la même façon que les téléphones ont envahi nos poches.La raison en est simple : la main est la mesure de toute symbolisation. Lorsque nous pouvons manipuler un objet, lorsque nous pouvons en faire le tour avec nos mains, la triade symbolique fonctionne à plein puisque nous pouvons en rendre compte par nos sens et par nos paroles. Jusqu’à présent, avec les écrans, la symbolisation sensori-motrice était mise en souffrance. Pour certains, c’était là l’occasion de fuir les mondes numériques parce qu’ils étaient vécus comme trop loin du corps. En somme, ce que les mondes numériques mettaient ici en péril, c’est l’unité somato-psychique. Pour d’autres, le sommeil des symbolisations sensori-motrices étaient vécues comme une source de plaisir. Lorsque l’on lit les descriptions de S. Turkle des premiers hackers, on est frappés par la mise en avant de défenses anti-sensuelles. Les ordinateurs étaient aimés parce que le monde de la computation apparaissant comme plus simple que celui de la chair : maitrisable, prévisible, Ce qui était vécus par les uns comme une incomplétude était ici vécu comme une sécurité. Les interfaces tactiles jouent sur les deux registres : on est protégé par une vitre, mais on peut aussi manipuler des objets. Les symbolisations sensori-motrices sont davantage mises à contribution qu’avec l’interface clavier : on pointe, on tapote, on écarte, on referme. Tous ces moments activent des schèmes d’action qui renvoient à la séparation ou à l’inclusion.
My EyePet la killin’app du psychothérapeute ?
Le jeu My Eye Pet de Sony sur PS3 est une véritable claque. La réalité augmentée est dans nos salons, et le mouvement ne va faire que s’accélérer. Nous rêvons tous d’enter dans les images que les jeux vidéo nous proposent. MyEye pet donne une forme de réalité à ce fantasme puisqu’il est possible d’interagir avec un animal de compagnie numérique. Il suffit de voir la vidéo pour se rendre compte des possibilités offertes. Pour en avoir discuté avec des animateurs de Spirit-Lan.com, je sais que le jeu peut facilement être utilisé dans le cadre d’animations avec de très jeunes enfants. Les quelques mini jeux que j’ai pu voir me laissent penser qu’il s’agit d’un jeu parfait pour les médiations psychothérapeutique. Au début du jeu, je joueur est confronté à un oeuf, et il doit jouer avec pour le faire éclore : le chauffer, le bercer, tapoter l’œuf là ou il déforme. La situation de départ plonge dans l’originaire et la façon dont l’enfant va jouer avec pourra être utilisée dans la psychothérapie : chauffe-t-il l’œuf trop ou pas assez ? Le berce-t-il ou le maltraite-il ? Est il heureux de l’apparence de ce qui vient de l’œuf ? La façon dont l’enfant va interagir avec MyEyePet, ce qu’il va en dire, tout comme les échecs de la verbalisation ou des interactions pourront être repris dans un travail psychothérapeutique.
Le futuroscope et les expériences agglutinées
J’ai eu le temps de passer au Futuroscope. Le images sont vraiment impressionnantes. Voir des détails de tableaux de Van Gogh sur un écran faisant deux terrains de tennis donne l’impression de plonger dans l’œuvre du peintre. Le soleil, les blés… tout semble fondre dans une intensité peu commune. D’évidence, Van Gogh a capté là ce qu’il semblait être venu chercher. Est ce pour cela qu’il ne lui est plus resté qu’a mourir ? et son frère avec ?
Si les images sont impressionnantes, les sensations le sont tout autant. Il me semble que tout l’intérêt du cinéma dynamique fait que l’on peut revivre en toute sécurité des expériences agglutinées. J’appelle des expériences agglutinées des expériences très précoces qui ont été insuffisamment symbolisées. Elles ne sont pas représentées par des mots ni même par des images, mais par des sensations dont on s’approche qu’avec terreur. Le vertige en est un bon exemple ((Il y a bien entendu des vertiges qui dépendent d’une problématiques névrotique, mais même dans ces cas, je pense qu’un noyau renvoie à des expériences précossismes))
Une attraction comme Danse avec les Robots permet de reprendre ces expériences non symbolisées : le visiteur est pris dans la main d’un robot immense, il est accompagné par la voix chaude et calme de [W:Kamel Ouali] et les mouvements à la fois amples et doux permettent de revivre des sensations en toute sécurité. Les processus de symbolisation peuvent maintenant s’appuyer sur des images mais aussi sur des paroles, puisque les spectateurs échangent dès la sortie sur leurs impressions, parfois avec de parfais inconnus ! Les expériences qui étaient agglutinées par des défenses gélifiantes trouvent là une nouvelle fluidité.