Regardez vos écrans, et vous y verrez une image de vous-même, de vos préoccupations, de vos intérêts. Il s’agit d’une image des investissements présents, mais aussi une image des investissements passés…

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On appelle gyre océanique les immenses tourbillons provoqués par la force de Coriolis. Une partie de ce que notre civilisation du plastique produit se retrouve immanquablement dans ces immenses gyres à tel point que certains parlent nouveaux continents

Nous avons là une image de notre fonctionnement psychique. Nous sommes en effet parcourus par d’immenses courants psychiques qui nous emportent loin de nous. Parfois, ce sont au contraire des courants qui viennent du large et qui demandent à être reconnus. Au sein du psychisme, ces courants peuvent s’affronter. Ils forment alors des zones de conflits. Mais parfois, ils forment des gyres, des zones d’accumulation dans lesquelles leurs énergies sont peu à peu réduites puis annulées.

Nos fonds d’écrans sont  sont une de ces gyres. En effet, nos préoccupations pré-conscientes et inconscientes finissent toujours par y apparaitre.  Ce qui est profond remonte toujours à la surface est une des choses que le psychanalyste Imre Hermann (Hermann I., 1943) a mis en évidence : nous avons d’autant plus tendance à “périphériser” nos états psychiques qu’ils nous sont douloureux. Cette périphérisation se fait à la surface du corps mais aussi sur des objets Serge TIsseron (1999) et Harold  Searles (1960) ont montré chacun de leur coté comment détruisons et nous chérissons des objets comme nous souhaitons détruire ou conserver des tendances que nous sentons en nous.

L’image que nous mettons en fond d’écran dit une partie ce que nous sommes : cela peut être une image idéale, un souvenir, un objet, une personne aimée, un film…Nos fonds d’écran nous identifient : me voilà tel que je souhaite me présenter aux autres et à moi-même. Voilà ce que je mets quotidiennement sous mon regard pour y penser, pour rêver, pour m’exciter. Voilà ce qui est “moi”. Même l’absence de choix d’un fond d’écran “personnalisé” dit quelque chose de nous-même. Ne pas choisir, cela peut être avoir l’obligation de faire avec ce que “le constructeur” nous a donné. Cela peut être une impossibilité temporaire ou durable de changer

Les économiseurs d’écran assument les même fonction. Ils sont ce dont nous nous servons lorsque nous ne nous servons pas de notre ordinateur : ils nous représentent dans notre absence auprès de la machine. Réfléchir sur le choix que l’on a fait est souvent riche d’enseignements : qu’est ce qui vient à la place de cette absence ? Des figures symboliques ? Un aquarium ? Des photos de… vacances ?

La multitude des possible ses laisse finalement ramener à trois dynamiques : de désir, narcissique et de penser.

Les fonds d’écrans qui représentent une relation sont particulièrement aptes à représenter des dynamiques de désir. Celles ci peuvent être sous tendues par des désirs agressifs ou érotiques. L’image de fond est un représentant de l’objet que l’on voudrait posséder érotiquement ou agresser dans l’inconscient. Les désirs de maitrise et de possession s’exercent ici facilement : on a facilement mainmise sur l’objet, on l’a toujours à l’oeil,  et on en change dès lors qu’il n’est plus investi. Cependant, il ne faut pas trop se laisser aller à l’illusion selon laquelle ces investissement/désinvestissement sont plus faciles que dans la réalité. La facilité de ces opérations dépend du fonctionnement inconscient et il est des personnes pour qui il est nécessaire d’avoir toujours le même fond d’écran sur toutes les machines

Les fonds d’écrans peuvent également être des soutiens du narcissisme. L’image représente l’image idéale vers laquelle on tend. Cela peut être une image du moi-idéal : images de toute puissance infantile ou une image de l’idéal du Moi : ce vers quoi on devrait tendre en accord avec les exigences morales de la société.

Enfin, les fond d’écran peuvent aussi être l’occasion de penser à des situations particulières : l’image de ses enfants donne l’occasion de penser ce que être parent veut dire, et les parents que l’on a pu avoir. L’image d’un paysage est souvent l’image inconsciente que se fait la personne de son fonctionnement psychique. On y trouve une représentation de l’ensemble mais aussi une représentation des relations entre les parties : par exemple un paysage calme avec une cascade tumultueuse.