Et mon droit à l’image ?
J’avoue que la question m’a surpris. Le droit à l’image ? Cette chose si XXième siècle ? J’avais oublié que certains pouvaient encore y être attachés. Il faut dire qu’au sein de l’assemblée générale de l’OMNSH, l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines, je ne m’attendais pas à ce que qui que se soit m’oppose ce fameux droit. J’avais fait quelques images et je les uploadais sur mon compte Facebook en attendant de les mettre aussi sur Flickr et Twitter, lorsque j’ai entendu l’objection :
Et mon droit à l’image ?
Ma première réaction a été un mouvement d’humeur. Qu’il aille se plaindre à Facebook avec son droit à l’image ! Il me semblait si naturel qu’à l’OMNSH on ait compris l’avantage de distribuer ainsi quelques images. D’abord cela fait connaître l’association. Ensuite cela fait connaître le chercheur. Enfin, cela fait connaître ses idées. J’ai fini par retirer la photographie parce que les positions qui ne sont qu’opposition sont rarement productrices de penser.
Mais peut être est ce que cette histoire recèle quelques enseignements ?
Il semble que nous n’ayons pas tous pris en compte le fait que nous sommes maintenant “toujours on”. Ou que nous soyons, nous produisons des données qui se retrouvent tôt ou tard sur le réseau. Ce mouvement ne peut que s’ accélérer parce que les possibilités de mettre un contenu en ligne sont de plus en plus nombreuses. Nos voyages, nos goûts musicaux et cinématographiques, les vidéos que nous mettons en favoris sur YouTube, nos déplacements, nos lectures … tout cela se retrouve sur le réseau. Le réseau n’a mis que quelques années a recouvrir la quasi-totalité du territoire. Cette nouvelle couche est en train de s’organiser via des applications de réalité augmentée. Elle va -elle offre déjà – de nouveaux cadres pour penser et agir nos relations sociales.
Il ne sera bientôt plus possible de ne pas être sur le réseau. Etre sur un réseau social, cela veut dire que l’on accepte que les autres vous taggent et renseignent différents aspects de votre vie. Nos liens, nos navigations nous identifient d’une façon certaine. Selon l’humeur ou la sensibilité on se plaindra des atteintes à la vie privée ou l’on se félicitera de l’accroissement de la vie sociale
((Sur le sujet, on pourra lire InternetActu : La vie privée, un problème de vieux cons ? et son symétrique InternetActu :Toutes les données sont devenues personnelles)).
Est ce la fin de la vie privée ? Certainement pas ! C’est simplement la fin de la vie privée telle qu’on pouvait encore l’entendre il y a dix ans.
Je crois que la chose qui m’a le plus surpris dans cette histoire est la profonde méconnaissance de la façon dont fonctionne le réseau. Un contenu en ligne ne se supprime pas. Il devient indisponible, mais il est tout a fait illusoire de penser qu’il a été détruit à jamais. La réalité des mondes numériques n’est pas celle du monde offline.
Et vous, votre droit à l’image ?
La personne qui défend son droit à l’image défend son intégrité, son identité, son self. Ce n’est pas parce que la majorité s’expose qu’elle veut être déshabillée. Ne fais-tu pas la différence entre arracher un vêtement et un strip-tease ? Le non-consentement est toujours un viol, une violence. Même facebook demande (par un tout petit cochage) si on est propriétaire de l’image. Le justifier par le progrès technique qui le rend possible facilement et sans conséquences parce que la loi n’est pas appliquée ou difficilement revient à faire prévaloir le possible sur le permis. Tu sais bien que c’est interdit mais quand même tu le fais. Ca frise la perversion ou en tout cas un manque de respect profond. Imposer l’intérêt de distribuer son image sur le réseau avant que le sujet y souscrive, revient à objectaliser l’autre, à dénier son individualité et étendre une emprise (du net, de l’utopie, de “la nouvelle société”). Le fameux “c’est pour ton bien”. Cette norme sociale que tu institues par ton acte et promeut par ce post, n’est pas autre chose que le diktat sous-jacent aux idéologies du net couplé aux logiques d’illusion groupale . “Tous pareil, tous égaux, tous transparents sans frontières”. “Tu es avec nous ou contre nous”. Le souhait de vouloir annuler la différence (quelles qu’elles soient) pour les meilleurs raisons du monde est toujours dangereuse.
Pire enfin, le fait que tu saches que ce soit irrémédiable.
Un post montrant le recul ou la critique de ce qui se joue aussi/ici dans les interactions technique/social/individu aurait été préférable de même que des excuses donnant une place différenciée à l’autre, cela va de soi.
Je ne peux qu’ajouter : +1 au commentaire précédent…
tout a été dit…
Eh bien Thomas, quelle charge ! quel courroux ! Et me voila pervers à la frise. Pour une raison simple : mon point de vue est construit, et je l’assume.
Je ne parle pas de progrès technique. Les choses changent. C’est ainsi. Je ne sais pas si c’est un progrès mais c’est quelque chose avec laquelle nous devons faire. Tu sais bien que je ne crois pas a la transparence totale, pas plus qu’a l’obfuscation totale d’ailleurs et que je suis assez imperméable aux grands cris de joie qui accompagnent l’internet. J’ai écrit ce billet pour ce que cela puisse servir de départ à la discussion. De mon point de vue, elle reste ouverte.
Je ne commente pas tes glissements striptease, arrachement, viol, violence.
Quel fatalisme, quelle déresponsabilisation ?! “Les choses changent. C’est ainsi. nous devons faire avec.” Où est le choix, quel est le motif là-dedans ? Ca manque de raisonnement psy. Pourquoi les gens le font ? Pourquoi les gens résistent ?
Peut-être peut-on étudier cela selon cette phrase: “Il semble que nous n’ayons pas tous pris en compte le fait que nous sommes maintenant « toujours on ».” C’est qui nous ici ? Tu es “on”, ok. Dois-je l’être ? Malgré moi? Pourquoi est-ce important pour toi ?
Selon moi, le prosélytisme du “tous on” ici assumé est une nécessité. Amener l’autre sur la toile (sans son consentement, à son insu) révèle la volonté d’unir/féconder les deux facettes “off” et “on” de soi par le regard/présence de l’autre importé sur la toile. En cela, à la base, l’autre n’a pas d’autre importance que d’y être comme témoin, comme xième friends (facebook), xième follower (twitter) gonflant par la même l’importance (on-line) de l’importateur. S’il est actif ,et souhaité réciproque, c’est encore mieux car le transfert du “on” au “off” n’est efficace qu’à partir du moment où la valeur du web est légitimée comme équivalente du monde social charnel. D’où tes propos sur un autre post “le web est devenu le monde !”. C’est le deuxième mouvement qui autorise et réalise le report sur soi de l’investissement (narcissique ? libidinal ?)mis dans les nuages. Si on y est tous, ça vaut quelque chose. Si les médias et les politiques l’utilisent ça vaut quelque chose. Si j’ai des milliers de followers ça vaut quelque chose. C’est ce que j’ai appelé la confirmation tacite de l’illusion. La croyance (dans le web)confirmée par l’acte (d’y être).
Mais où commence le prosélytisme et finit la conversion pour ne pas dire l’inquisition?
Le web et le religieux ont des racines communes qu’il serait bon de rappeler.
J’espère avoir une fois encore nourrit ta discussion. Tu ne réponds pas, ni poursuit mon précédent post te contentant de dire “Tu es agressif Thomas. C’est pas ma faute c’est comme ça le web. Non je suis pas aussi intégriste que ça. Je n’exposerais pas l’intimité de tes sentiments (même si/mais je pourrais le faire)”.
Ce commentaire te donneras du grain à moudre.
Quand à mes “glisssements”, on récolte ce qu’on sème.
cher Yann,
je viens de perdre 15 min, de frappe, essayant de te/vous répondre… Cette perte est significative de la différence qui existe entre toi et une personne qui ne pratique pas le Web comme tu le fais.
Bref, en résumé, cette fois, ton “toujours on ” est le double de ton “web est le monde” envoyé sur la liste OMNSH.
1. la vie privée est de toute façon un indécidable socio-anthropologie : nous allons, en Occident, “depuis 1000 ans”, à la fois vers la disparition (transparence) du sujet (objectivation ou sciences des descriptions et des explications + visibilisation globale du monde et des personnes) et vers une signification (valorisation psychosociale et pseudo-opacité) du sujet (sociohistoire du droit de la personne, du roman, de la signature, de la psychanalyse). Je crois donc que la photo appartient à cet indécidable qui croise les rapports sociaux (entre politique et psycho-affects) : ce que tu as croisé, lors de notre CA de l’OMNSH. La photo est à la fois rationnelle et sacré ordinaire, objectivante et émotionnelle.
2. Vétilleux, je reviens sur ta réponse du 4 à 10h12. Une faute de frappe a attiré mon attention : “obfuscation”. L’offuscation est l’action d’offusquer. Sur le clavier le b est loin du f, ou, s’agit-il, tout simplement, du mot anglais ? Bref, interprétons ce geste : la photo est à la fois un geste de “confiscation” (que j’entends dans ton obfuscation et dans le propos de Thomas G.) et de mise en forme d’une idée (suffixe ob-), de positionnement en face de quelque chose, de quelqu’un. Heidegger parlerait de Gestell, “violence” dit Thomas G. Ce geste, ton geste, est donc, selon moi, à la fois le signe de ta présence au monde (violence que je n’ai pas à juger) et le signe d’un monde qui se prend pour le monde, la technologie (langage économique de la science que je n’ai pas à juger, non plus). D’autres le font pour nous : de G. Anders et Ellul aux gars d’Article XI et d’Al Qaida.
3. Voici une autre façon de répondre à ta question générale “Et vous, votre droit à l’image ?” Une réponse plus lyrique : je n’ai pas de blog, mais un journal, en voici donc une page :
“TGV Nantes Avignon, 16 novembre 2005. —
Depuis fort longtemps je me prends pour un indigène et je ne souffre pas que l’on prenne mon image sans mon autorisation, surtout, si je ne peux la récolter. C’est comme pour les rognures d’ongles, les cheveux et les dents chez certaines peuplades — je ne peux laisser partir ce qui m’appartient en propre. Mais ce me semble être une généralité occidentale. Les photographies de mes formes successives, celles de mes amis et de mes proches, ceux que j’aime et ai aimé, mes cheveux, ma natte d’une quinzaine de centimètres, toutes ces excroissances et développements, font partie de moi et m’importent. Je pense maintenant à mon premier patronyme : David Morin. Narcisse pourrait-il s’appeler autrement ? (Bien qu’il possède tous les noms de la terre, c’est un Mormon.) Je me rappelle que ledit patronyme a toujours eu une grande impression sur moi. Adolescent, je me demandais, presque naïf, pourquoi cette force n’agissait pas plus sur autrui. Jusqu’au jour où mon plus vieil ami, Stéphane F., me conta une de ses péripéties lycéennes. Dans son lycée, il s’amusa à griffonner partout le patronyme inconnu ; certains imitèrent aussitôt le geste ; d’autres prétendirent connaître l’illustre bonhomme. Cela su nous faire rire un bon moment. Les idées ont la même caractéristique indigène ; lorsqu’on croit en soi, de quelques bonnes manières de ce soit, elles vous forcent à les traduire en votre langage, pour mieux « rayonner » partout en même temps. (D’où) — Qu’est-ce qu’un intellectuel ? Quelqu’un qui a toujours cru en ses rognures d’ongles !
David MU
Je serais heureux de connaitre les racines communes du web et du religieux
Bien sur que oui, tu es “on”. Malgré toi ou pas. Demande a Google qui est Thomas Gaon. Demande aussi à 123people : http://www.123people.fr/s/thomas+gaon. Nous sommes toujours “on” est un fait. Certains le sont moins que d’autres, mais cela ne va pas dure. Que pouvons nous faire de ce fait ? Voilà pour moi la question.
Bien sûr, on peut toujours dire que ce n’est pas vrai, que le monde n’a pas changé, et que l’on peut faire comme avant. Mais regarde les courbes du web, de Facebook, de Twiiter. Regarde les taux d’équipement d’ordinateurs et de smartophone. Regarde le nombre de vidéos/photos uploadées/vues sur Youtube, Flickr and co. Regarde la pente des courbe. La croissance est exponentielle ! Oui, nous sommes “on”. Nous sommes tellement “on” que la réalité a explosé et que une réalité augmentée est en train de naitre sous nos smartphones ! Bien sûr, certains sont plus ou moins “on” que d’autres, mais c’est juste une question de granularité.
Je ne suis pas un zélote du net. Pour moi, le net, c’est d’abord une machine. Cette ma machine nous parle, que nous soyons d’accord ou pas. Et ce qu’elle dit de nous, que nous soyons conscients de ce discours ou pas, nous transforme. Mon idée est qu’elle nous transforme d’autant plus que nous lui tournons le dos
Tu vois toujours les choses sous l’angle du narcissisme. Ou de l’utilitarisme. Laisse moi te faire part de cette observation que tu n’a pas pu faire puisque tu n’es pas assez souvent sur les services 2.0. Ces mondes sont aussi capables de générosité, de gentillesse, de disponibilité. Ce ne sont pas seulement des mondes saturés de mouvements paranoides, de violence et d’utilisation égoistes de l’autre. Si cela avait été le cas, même le langage HTML n’aurait pas pu évoluer et il n’y aurait eu ni cathédrale ni bazars numériques
Si j’uploade des photos de l’AG de l’OMNSH, c’est moins pour moi que pour l’OMNSH. Traduction : c’est par gentillesse et générosité. C’est là qu’est mon incompréhension du départ. Il me semble si évident qu’un Observatoire des Mondes Numériques travaille avec les outils des mondes numériques ! Parce que des photos de l’AG de l’OMNSH sur Facebook, c’est cela : un outil.
@ D.MU je n’ai pas un recul d’un millenaire sur la vie privée. Je sais simplement qu’en un siècle ce qui est privé a beaucoup changé. Je tiens cela de l’histoire de la vie privée de Ph. Ariès
Pour le lapsus, ce qui est important, c’est la proximité dans l’esprit de la personne. Le fait que deux touches soient éloignées ou non ne change pas grand chose.
Je suis d’accord avec toi sur l’idée du sacré qui est associé à l’image, et à cette image particulière qui est l’image de soi.
Merci de partager un extrait de ton journal
coucou D.MU, je t’ai reconnu! ;-) + avec des pages de journal comme ça, tu devrais ouvrir un blog ! …. et puis … je me demande si je dois ou non poster ce commentaire… que révèle-je de l’identité de qui en le faisant et pourquoi , ce qui devrait être, ce qui ne devrait pas… je peux encore sélectionner son contenu et l’enlever de cette case sur l’écran… ou non, “Ajax” a fait son œuvre et chaque frappe s’est sans doute déjà dispersée dans les entrailles du réseau des réseaux… alors je le laisse….et le poursuis… droit à l’image, image du droit, à gauche de l’image, image du juste, juste des images … plus réelles que le réel, hyperréelles .
Permettez-moi de réagir, un peu tard, mais je ne pouvais faire autrement, sur la violence d’internet qui, de fait, est mise en avant dans cet échange.
Et vous, votre droit à l’image, nous dit Yann.
Lorsque j’ai lu ton post, Yann, j’ai dans l’immédiat eu envie de répondre, mais j’étais dans le train, j’aurais donc dû le faire de mon phone et écrire avec mes doigts est encore une pratique pour moi fort peu agréable. De plus, parce que j’aime écrire, justement, je me méfie des « jugements à l’emporte-pièce » que sont les réactions écrites à chaud à quelque assertion que ce soit.
Or, et c’est là qu’intervient ma réflexion : cela ne vous choque-t-il pas de voir la « violence » des propos écrits de Thomas quand on a vu le calme de ses propos in situ ?
Car replaçons ce « droit à l’image » dans son contexte voulez-vous….
Une dizaine de personnes débattent, un peu fort, de la destinée d’une association. Les cœurs s’échauffent, les vagues enflent, les propos deviennent exclamations. Yann, par gentillesse (c’est lui qui le dit et je le crois sincère), décide de faire suivre sur Facebook puis Twitter l’existence du travail de réflexion de l’association.
Bien… Mais ce qu’il ne dit pas c’est qu’il le fait au moment où la conversation s’est carrément envenimée et que son geste est perçu par un autre comme une véritable provocation. D’où sa réaction : « Et mon droit à l’image ? ».
Je fais le pari que, dans un autre contexte, il n’en aurait pas été de même, cette autre personne ayant pu en rire, mettre en avant que l’on ne voyait pas son bon profil ou qu’elle aurait préféré pouvoir se repoudrer avant… bref, tout est possible.
Comment réagit Thomas dans cette scène ? Très calmement, posé, clair, ferme mais doux. Aucune violence, même sous-jacente ou non-dite dans ses propos.
Ce qui m’amène à reposer ma question : quelle mouche a piqué Thomas qui le fait être plus acerbe par écrit qu’il ne l’est en situation ?
Plusieurs choses, et qui sont le fait du net, justement.
Tout d’abord le principe du commentaire sur blog. Le blog est un outil dont le cœur bat vite, très vite, bien trop vite pour qu’on ait le temps d’y réfléchir. Il faut lire une masse incalculable de choses, vite, et réagir encore plus vite.
Par ailleurs, pour exister, un blog doit être commenté. Peu importe le commentaire, du moment qu’il y a réponse, cela le fait monter dans les charts, c’est « le jeu ». Donc le posteur lance des textes qui doivent susciter des réactions, sinon c’est le vide abyssal, la mort du blog.
Or, réagir vite c’est réagir dans l’urgence, sans prendre le temps de la réflexion, mais c’est aussi réagir à l’emporte pièce. Des phrases courtes, les longues (comme celles ici présentes) ne sont pas lues. Des phrases percutantes, qui crachent leur sens à la tête du lecteur, submergé d’informations et donc incapable ou presque de repérer les phrases molles ou l’implicite.
Il faut aussi réagir vite pour ne pas se retrouver, comme moi, à la traîne d’une série d’autres commentaires, et donc ainsi noyée dans la masse, invisible sous les commentaires passés. Le principe de la longue traîne s’est inversé qui nous pousse à ne regarder que les textes les plus rapides, les plus lus, les plus rankés, les plus notés, les plus courts, les plus « tout ».
Réagir vite c’est donc réagir avec violence.
Autre fait que je remarque en jeu : le fait de n’être pas vu, posé en face de la personne, réelle et non pas cachée derrière son avatar et son écran, pousse certains joueurs à être d’une violence étonnante dans leurs propos, en instance/raid par exemple. Combien de fois ai-je lu des choses comme « dégages, go reroll sur Dofus » (et là je vous le livre édulcoré, bien évidemment) ou autre gentillesse de ce genre. Des choses que, bien évidemment, le joueur ne se serait pas permis de dire en face à face.
Donc l’échange verbal écrit peut être d’une violence sans commune mesure avec celle de l‘échange verbal parlé. Uniquement parce que « l’autre » n’est pas là ? A mon sens, non, ou en tout cas, « pas que ».
Il me semble que c’est parce que, justement, nous n’avons pas encore appris à communiquer comme il le faudrait sur cette toile, emportés que nous sommes dans ce diktat qu’elle édicte comme loi incontournable : il faut « réagir ». Vite, court, percutant . Or réagir, c’est être contre, à la base.
Voilà, une parmi des dizaines d’autres, la réflexion que m’a inspirée ton post Yann. Et je remercie ceux qui auront fait l’effort de me lire jusqu’au bout, je sais comme cela coûte.
Pour ma part, pour conclure, je pense que ce « petit post de rien du tout noyé dans la masse des milliards de posts du jour» mériterait bien plus large réflexion ?
PS : Autres réflexions qui me sont venues : Mais si l’on parle de « droit à l’image », de quelles images s’agissait-il ? Y voyait-on des personnes débattant sereinement, ou éructant par dessus une table ? La différence est de taille. Y avait-il des commentaires accompagnant ces photos, et les commentaires, que disaient-ils ? etc…
“Réagir vite c’est donc réagir avec violence.” pose FVS.
Avec amour aussi, avec soif, avec faim, avec envie, avec force sinon efficacité. L’amour, la soif, la faim, l’envie, la force : sont des moments de monstration de son existence ; Yann n’aime-t-il pas le secret ? Que pourrons-nous lui dire, réellement ?
La Scène n’est pas loin de la Science ; le spectacle de la société est la loi première de la société du spectacle : le “on” (réaliste)… c’est-à-dire la présence publique au public, “publi-cité de soi”, lorsque vous êtes (ou croyez : source de tous les mots) plébiscité (au centre de son étymologie ce mot perce nos oreilles).
Dans cette histoire, revoilà poindre les questions du visage et de l’anonymat, de la gratuité et du bénévolat. Qu’est-ce qui est violent, le plus violent ?
L’anonymat ou la célérité, oups !, la célébrité ? Le plus violent est “le malgré-soi” ; la force d’un pouvoir s’incarne dans cette contrainte faite aux hommes et pas à d’autres (justement), dans le malgré-soi, la jungle du malgré-soi.
Internet n’est pas le pansement du malgré-soi : dogmatiquement (on ne peut dire autrement) Internet est le pansement d’un narcissisme brûlant et millénaire… et, aussitôt, de la disparition concomittante de toute espéce de sujet (au sens grammairien et sociologique). David.
L’expression ” droit à l’image ” relève de la plus complète confusion et ne fait que voiler, sous le prétexte de la protection des innocents et des victimes, la mise en place d’un nouveau marché : une image ne se prend pas, elle se paie à son propriétaire! Marie José Mondzain, L’Image peut-elle tuer? Bayard, 2002, p17.
C’est parce que l’on traite l’image comme un sujet qu’on la soupçonne de pouvoir abuser de sa puissance. Là commencent les glissements et les malentendus. ibid. p20.
Je m’abandonne et cède vite à mon envie irrésistible de remercier France V. Stein pour son commentaire ! De la douceur, de l’humanité, de la simplicité au milieu de ces vifs échanges m’ont aidée à passer outre la violence de certains commentaires.
Je ressens toujours une combinaison de malaise et de fascination à assiter à une joute verbale dont on perçoit bien que les antagonismes se situent en coulisse.
On peut toujours revendiquer son droit à l’image, mais n’est-ce pas parfois parce que l’on sait que l’on peut être de soi-même le pire ennemi, et que l’on craint que cela se voie ?
“vive les femmes, quoi !” : pshitt !
Malgré quelques tentatives infructueuses pour le devenir, je ne suis pas membre de l’OMNSH et, par conséquent, je n’ai pas assisté à cette réunion brûlante qui semble être l’unique point de départ de cet échange. Cependant, la lecture de ce billet et de ses commentaires m’inspire quelques remarques.
0. Un samedi après-midi, lors de l’asssemblée générale d’une association, deux personnes ne sont pas d’accord sur un point (la publication en ligne de certaines images). L’une d’elle publie un billet sur son blog pour tenter d’en tirer des “enseignements” et ouvre ainsi un espace de dialogue public dans lequel une discussion entre membres d’une association devient un échange public en ligne. La première question qu’on peut se poser, c’est : fallait-il venir en parler en ligne ? Était-il plus pertinent pour les 2 protagonistes de poursuivre en privé (par voie de mail, par exemple) ? Tout dépend ce qu’on recherche.
1. J’apprécie beaucoup chez Yann sa curiosité et son enthousiasme pour les nouvelles technologies car la communauté psy et la communauté intellectuelle en général n’ont pas encore pleinement compris et tiré les bénéfices de ces outils. Cet enthousiasme se manifeste toutefois par un élan permanent (systématique ?) qui le porte à adopter les outils du Web 2.0, comme s’ils étaient nécessairement tous bons à prendre. Or, cela ne va pas de soi et c’est justement dans cette apparente évidence pour toi (que cela va de soi) que je situe pour ma part le noyau idolâtre de ta position. Je trouve en effet que, de manière générale, ta position sur les nouvelles technologies est trop enflammée, et frise parfois une forme modérée de fanatisme ou sectarisme. Cela se voit dans de nombreux billets de ton blog et dans celui-ci également. Il suffit de relever certains propos pour le faire apparaître, qui tournent autour de la même idée.
2. Ton argument de fond, Yann, qu’on retrouve dans tous tes billets de manière plus ou moins explicite, c’est toujours le même : le web a changé et change le monde, cela est irréversible [jusque-là, je te suis volontiers], donc nous devons tous changer et devenir à l’image du web (multiple, online, réseausocialisé, flickrisé, etc.) [à partir de là, je ne te suis plus], et ceux qui résistent n’ont rien compris à l’évolution du web — et donc du monde [et là, je te trouve sectaire et, bien que de bonne foi, aveuglé].
3. Voyons tes propos :
nous sommes maintenant « toujours on ». Ou que nous soyons, nous produisons des données qui se retrouvent tôt ou tard sur le réseau.
C’est vrai, mais cela n’est pas nécessairement légitime. Parfois, c’est même inacceptable de découvrir comment nos données se retrouvent sur le réseau SANS NOTRE CONSENTEMENT. À l’heure du Web 2.0, les violations de la loi informatique et liberté sont monnaie courante (Facebook a été d’ailleurs rappelé à l’ordre sur ce point). Bien sûr c’est l’indice d’un changement culturel profond sur les frontières entre vie privée et vie publique, bien sûr le monde change. Mais il ne doit pas changer à n’importe quel prix. Notre responsabilité, à nous, intellectuels, c’est de dire dans quelles limites acceptables, la technologie peut se permettre de changer le monde. Et il y a forcément à un moment donné une limite : celle du droit. Le droit moral, et le droit positif (les lois). Mettre en ligne une image représentant un visage non dissimulé sans l’accord de la personne dont c’est le visage, c’est illégal. Et c’est illégal parce que c’est immoral. Et c’est immoral parce que cela porte atteinte à la liberté individuelle de ladite personne qui ne souhaite peut-être pas montrer son image dans l’espace public. En démocratie, elle en a le droit. Le Web 2.0 n’a aucun droit contre la démocratie.
Nous sommes toujours « on » est un fait. Certains le sont moins que d’autres, mais cela ne va pas dure. Que pouvons nous faire de ce fait ? Voilà pour moi la question.
Attention aux confusions, Yann. Nous sommes toujours “on” est un fait, oui, mais c’est le fait de qui ? Est-ce le fait de chaque sujet qui est “on” après un libre consentement donné par lui OU BIEN est-ce le fait d’un service Web 2.0 qui met en ligne des données personnelles sans l’accord des intéressés ? C’est ce que fait à sa manière le site 123people.fr que tu cites en exemple et dont le nom même ne me paraît déjà pas constituer un modèle à suivre. Il faut bien comprendre un principe simple de philosophie morale que soit tu ignores soit tu refuses de considérer : le fait ne fait pas le droit. Autrement dit, ce n’est parce qu’une chose existe (le fait qu’il y ait du “on” partout sur nous) que cela signifie qu’il est légitime qu’elle existe. Les faits n’ont aucune légitimé par eux-mêmes. Ils n’ont que ceux que le droit des hommes leur donne. Le Web a le pouvoir technique de nous mettre tous “on”, c’est un fait. Mais cela n’est pas légitime si cela est au prix de la liberté de choisir d’être “on” ou non. Que cela te plaise ou non, que cela te paraisse à la mode ou non, que cela te semble “geek” ou non : chacun a le droit de na pas vouloir être sur le réseau sans pour autant être un arriéré qui ne comprend pas l’évolution du monde. Chacun a ce droit, et le Web n’a aucun droit contre ce droit. Le fait qu’il y ait du “on” ne fait pas le droit du “on”. Il n’y a pas de droit du “on”, ou alors c’est la dictature du “on”.
Bien sûr, on peut toujours dire que ce n’est pas vrai, que le monde n’a pas changé, et que l’on peut faire comme avant. Mais regarde les courbes du web, de Facebook, de Twiiter.
Argument de fuite classique chez toi. Comme tu ne veux pas aborder le problème moral de la liberté individuelle, tu te réfugies dans l’accusation à peine déguisée de cécité : oh, mais, ces gens qui sont choqué par le droit à l’image, c’est juste des aveugles qui ne voient pas les chiffres du changement. Je pense que tout le monde ici voit très bien les courbes du web. Ces courbes sont un fait, mais là encore elles ne font pas droit. Personne ne te dit que le monde n’a pas changé. Mais toi tu réponds tranquillement à côté : regardez, le monde a changé. Tu es hors sujet. Tout le monde voit bien que le monde change sous l’effet du web. Il est temps de cesser de constater des faits d’évidence pour se questionner sur les véritables problèmes qu’ils renferment : quelle légitimité cela a-t-il ? En d’autres termes, et c’est ma thèse : le web change, c’est un fait, le web nous met “on”, c’est un fait, MAIS CELA NE LUI DONNE PAS LE DROIT DE PIÉTINER LE DROIT À L’IMAGE. Le Web n’est qu’une machine, dis-tu à juste titre. C’est donc à nous les humains de lui demander de se plier à nos lois et à notre droit. Il n’y a pas de droit du Web inscrit dans le Web qui devrait s’imposer aux hommes comme une norme inexorable. Il y a une machine fascinante qui sait faire plein de choses et qui doit se plier à nos lois — même si elle doit en faire évoluer d’autres, comme Hadopi :) Bref, le droit à l’image reste un droit, quels que soient les faits. C’est de cela dont il est question et tu n’y réponds pas. À mon avis parce que tu as une position idolâtre. Or, quand on est en thèse et qu’on a une prétention scientifique, on n’a pas le droit d’être idolâtre.
Il ne sera bientôt plus possible de ne pas être sur le réseau. Etre sur un réseau social, cela veut dire que l’on accepte que les autres vous taggent et renseignent différents aspects de votre vie.
Non. Il sera toujours possible de ne pas être sur le réseau. Il suffit de ne pas se connecter et de refuser d’y figurer, c’est comme les pages jaunes. En revanche, si l’idolâtrie du Web nous guide, il ne sera plus possible de ne pas être sur le réseau SANS LE VOULOIR, et ça, c’est grave car c’est contraire à la liberté individuelle. On revient donc au DROIT : on a le droit, en démocratie, de ne pas être sur le Web. Non seulement cela est possible, contrairement à ce que tu dis, mais c’est à nous qu’il appartient de rester vigilant pour que cela reste toujours possible. Oui à l’aventure du Web, non à la dictature du réseau. Et c’est bien un passionné du Web qui le dit puisque j’aime moi-même tellement les nouvelles technologies que je consacre la moitié de mon temps à en produire (l’Atelier LEKTUM, c’est moi : http://www.lektum.com/). Mais je refuse d’être un geek si être geek, c’est accepter les faits du Web sans questionner le droit.
Est ce la fin de la vie privée ? Certainement pas ! C’est simplement la fin de la vie privée telle qu’on pouvait encore l’entendre il y a dix ans.
Absolument d’accord. Mais ce n’est pas la fin du droit. Les nouvelles formes de vie privée devront s’inventer en accord avec le droit démocratique.
La réalité des mondes numériques n’est pas celle du monde offline.
Arrête avec ça, tout le monde ici le sait, il ne sert à rien de se gargariser en le clamant haut et fort comme si c’était une découverte. Ce n’est pas le sujet.
Si j’uploade des photos de l’AG de l’OMNSH, c’est moins pour moi que pour l’OMNSH. Traduction : c’est par gentillesse et générosité.
Tu réponds encore à côté. On se fiche ici que les mondes numériques puissent être gentils, d’ailleurs pourquoi les personnifier de cette façon ? Ce sont les gens qui sont gentils à travers les outils numériques, les mondes numériques ne sont pas des entités pensantes. Mais surtout : on ne fait pas le bonheur des gens sans leur accord. Être heureux, c’est d’abord pouvoir choisir de le devenir. C’est pas parce que tu proposes gentiment de piétiner le droit à l’image que tu ne piétines pas le droit à l’image fermement. Tu pourrais d’ailleurs être attaqué en justice pour cela, il ne faut pas l’oublier.
Les choses changent. C’est ainsi. Je ne sais pas si c’est un progrès mais c’est quelque chose avec laquelle nous devons faire.
Pas au prix du droit. Arrête avec la dictature des faits. “C’est ainsi”. C’est parce que c’est ainsi que c’est légitime. En outre, c’est trop facile, mon garçon, comme argument. Bien sûr que tu penses que c’est un progrès : tu demandes aux gens de faire avec le web, mais tu ne sais pas si c’est un progrès ?? On ne demande pas aux gens de faire avec une régression !! Ne dissimule pas tes positions ou bien éclaire-les.
4. Bref, l’idolâtrie part, comme tu le dis, d’un bon sentiment. Et quiconque te connaît sur le réseau sait que tu es un gars passionné et fort sympathique. Mais, parce qu’elle est de bonne foi, l’idolâtrie engendre la naïveté : “je ne m’attendais pas à ce que qui que se soit m’oppose ce fameux droit.” Et pourtant, il existe.
5. Ne prends pas mal mon style. J’ai été formé à la philosophie et j’en conserve un goût passionné pour l’exactitude. Cela me rend polémiste, mais toujours de manière bienveillante.
une lecture très intéressante sur le sujet:
Droit à l’image et droit de l’image
par Philippe GAUVIN,
Division des affaires juridiques – CNDP
[juillet 2006]
http://www.savoirscdi.cndp.fr/index.php?id=870
Les choses ne semblent pas aussi tranchées et il n’est pas évident que la notion de consentement soulignée ci-dessus soit essentielle, il y est plutôt question d’évaluation des dommages causés par une diffusion. Je poursuis ma lecture…
La notion de consentement est bien présente dans l’article 226-1 du code pénal, mais elle semble subordonnée à la qualification du lieu de la prise d’image: public ou privé.
Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417929&dateTexte=20091006
Reste donc à trouver la définition juridique d’un lieu privé…
La notion de droit à l’image
Une source de droit qui ne vient pas de la loi. Le droit à l’image se définit non par rapport à la loi mais par l’ensemble des décisions rendues par les différentes juridictions. On parle alors d’un droit prétorien. Ce droit est né du souci des personnes publiques de lutter contre certaines pratiques de la presse “people”, sans cesse à l’affût de leur … image. Le principe est énoncé par les juges du fond, dans les termes suivants : ” toute personne a, sur son image et sur l’utilisation qui en est faite, un droit exclusif et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation ” [48]. Dans le contentieux de la vie privée, il tient une place à part et encore controversée, même s’il est rangé sans grande contestation parmi les droits de la personnalité [49].
bon, et bien, retour à la case départ… pas facile de se faire une idée claire de ce “droit à l’image” …
la source de la citation précédente: http://www.educnet.education.fr/legamedia/fondamentaux/vie-privee/protection/droit-imag/-notion
@Stéphane Vial : oui, j’ai fini par comprendre qu’on ne fait pas le bonheur des autres sans leur accord. Il m semble même qu’être toujours “on” n’est pas nécessairement un bonheur.
Pour ce qui est des points de droit, je les connais. Et j’en suis d’accord.
Un autre article qui finalement pose assez bien le problème et semble montrer l’instabilité d’un ‘droit prétorien’ comme l’est le ‘droit à l’image’ : Le sacro-saint droit à l’image battu en brèche : http://www.lefigaro.fr/culture/20070827.FIG000000299_le_sacro_saint_droit_a_l_image_battu_en_breche.html
le n°39 de “Cités” vient de sortir “Internet et la société de contrôle : le piège ?” lecture en ligne : http://bit.ly/q9jHw
J’ai jeté un coup d’oeil rapide et je lui préfère le numéro de First Monday consacré à la question !
La délicate question du droit à l’oubli sur Internet : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/11/12/la-delicate-question-du-droit-a-l-oubli-sur-internet_1266457_651865.html#ens_id=1266514&xtor=RSS-3208