Les Cahiers de Psychologie Clinique viennent de consacrer un numéro sur Réel et Virtuel qui vaut le détour si les points de vue psychanalytiques sur la question vous intéressent. J’ai le plaisir de faire partie des auteurs et pour l’occasion, j’ai même eu le droit de voir mon prénom transformé en Yvan.
Deux choses frappent à la lecture. La première est de voir de nouvelles signatures comme celles de Bernard Chouvier et François Marty. Bernard Chouvier a fait un travail important sur les processus de médiation et François Marty a publié de nombreux articles sur la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, Je pense que cela veut dire que les questions liées à l’Internet ont fini par diffuser jusqu’à eux alors qu’elles étaient jusqu’à présent laissées aux banlieues (et aux banlieusards) de la recherche. C’est vraiment une bonne nouvelle car les points de vues de ceux qui connaissent très bien le réseau et qui ont peu d’expérience clinique et ceux qui connaissent moins bien le réseau et on beaucoup d’expérience clinique vont enfin pouvoir se croiser.
La seconde chose qui a retenu mon attention est un passage ou Serge Tisseron fait le lien entre les technologies du virtuel et les schèmes de transformation et d’enveloppe. C’est une avancée théorique importante car elle permet de mieux comprendre ce qui se joue dans la relation aux matières numérique : le référent n’y est pas le réel, mais la réalité interne.
« Les schèmes d’enveloppe et de transformation qui sont à l’œuvre dans nos relations au monde sont le moteur principal du désir qu’à l’être humain de créer des images, non seulement des images qui soient devant lui, mais également des images dans lesquelles il puisse entrer et interagir. Les technologies virtuelles mobilisent beaucoup plus que les précédentes ces deux opérations psychiques. Elles sont porteuses, bien plus que les précédentes, de l’illusion de pouvoir créer un monde qui nous contienne et de le transformer. (…) Hier les images étaient un reflet du monde. Aujourd’hui elles créent un/le monde. Et du coup, il est clair que le référent de l’image n’est pas la réalité concrète, matérielle, ma is la réalité mentale. De plus en plus, les mondes virtuels mettent en scène des représentations qui n’existent que dans nos têtes. Si vous voyez Harry Potter, Coraline ou les jeux vidéo, l’essentiel de ce qui s’y trouve ce sont des construction qui n’ont aucun équivalent dans la vie réelle et qui n’en auront jamais. C’est notre monde intérieur, celui de nos rêves et de nos cauchemars, qui est mis en scène. Ce n’est pas le monde de ce que nous pourrions rêver de vivre un jour, c’est le monde que nous savons que nous ne vivrons jamais.
Grace au numérique et au virtuel, les images ont définitivement basculé de la référence au monde réel objectif vers le monde de notre réalité intérieure. Le pouvoir de fascination des images aujourd’hui est lié au fait qu’elles reproduisent de mieux en mieux le monde de nos rêves » Tisseron, S. Interview de Serge Tisseron, L’identité et les liens transformés par les nouvelles technologies. Cahiers de psychologie clinique, Réel et virtuel, 2010/2 n° 35 pp. 41-42
“C’est notre monde intérieur, celui de nos rêves et de nos cauchemars, qui est mis en scène. ”
N’est-ce pas depuis toujours nos rêves et nos peurs qui ont alimentés la représentation du monde.
Le changement, aujourd’hui, réside dans les moyens de “sortir” ces images de nos esprits.
Bonjour,
Je tombe par hasard sur votre commentaire ; ayant contribué à ce numéro, je me permets de vous signaler l’ouvrage “La violence de l’image”, chez In Press, ouvrage collectif sur ces questions modernes.
Cordialement,
Florian Houssier
Il était effectivement indispensable qu’à un moment nos sciences se penchent sur des phénomènes qu iont tout de même cours depuis plus de dix ans. Belle initiative, donc.
Bonjour Florian
Bravo pour votre article qui est vraiment très bien. L’idéal serait de le mettre en ligne sur http://www.scribd.com par exemple. Quant à La violence de l’image , les signatures de Anne Brun et Serge Tisseron font partie des choses qui donnent envie de le lire