Freud Yo Mama!

J’ai le plaisir d’être invité à  une des journées de travail organisé par le Quatrième Groupe. Connaissant mon penchant pour les matières numériques, il m’a été demandé de faire quelque chose à propos de l’Internet. L’Internet ? Que peut faire un psychanalyste avec l’Internet ? Voilà la question qui m’est immédiatement venue à l’esprit. J’ai donc écrit un texte et au moment de le finaliser, je découvre un autre texte écrit en mai 2012 qui s’appelle “A quoi peut donc servir l’Internet à un psychanalyste”. Je le laisse à votre appréciation avant de mettre en ligne le nouveau texte.

A quoi peut donc servir l’Internet à un psychanalyste ? Après tout, ce dont il a besoin c’est la libre association coté divan, l’abstinence, l’attention flottante et sa formation coté fauteuil et entre les deux l’heureux mélange de tout cela.

A être au contact avec la culture

En une génération si l’on prend en compte la naissance de l’Internet, deux décennies si l’on part du web, une poignée d’années avec le Web 2, le réseau s’est imposé comme un des coeurs de notre culture. De plus en plus souvent, nos actes ont leur ombre sur le réseau, et il arrive de façon aussi fréquente que les ombres numériques tombent dans la réalité tangible. L’internet est devenu le lieu où se renégocient les identités, les savoirs, les règles commerciales, les droits… C’est une immense technique de soi qui mérite d’autant plus l’attention des psychanalystes qu’elle a tendance à se transformer en dispositif de surveillance au voisinage de tout pouvoir.

A penser une nouvelle matière à penser

Le numérique est un nouveau “médiateur d’humanité (Debray, R et Hugues P., 2000) après le papier et le tissu, il est la matière dans laquelle nous enveloppons et transmettons nos souvenirs, notre histoire, nos pensées. C’est une matière sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour penser le monde. Internet nous propose des représentations de l’état du monde et nous aide à en former de nouvelles. Mais c’est également une matière qui nous aide à penser notre monde interne. Nos conflits, nos empêchements, nos désirs… s’y trouvent représentés par nous même ou par d’autres. Ils peuvent alors trouver une meilleure élaboration après ce détour projectif. Le numérique a également une fonction toxique : la prolifération des images, des contenus, des contacts… met alors à mal les capacités de penser.

A être en lien avec son institution

Des associations de psychanalyse sont présentes sur le Web et diffusent régulièrement des contenus qui peuvent intéresser le psychanalyste : colloques, réunions de travail. Les sites permettent aux analystes d’être en contact avec les intérêts des collègues de leur association. Ils permettent également de suivre l’actualité d’autres associations.

A entendre

La connaissance des mondes numériques peut servir dans le travail clinique. L’internet est devenu pervasif. Son croisement avec la téléphonie mobile et la baisse du coût de la connexion haut débit l’a installé au cœur des foyers. Les patients en ont un usage parfois pluri-quotidien. L’énoncé “Mon ex sait tout sur moi sur Facebook” ne peut être pleinement entendu que si l’on a une connaissance et une compréhension ce qu’est un site de réseau social en général et de Facebook en particulier. C’est à partir de cette connaissance que l’on pourra mieux comprendre les dynamiques en jeu : mouvement paranoïaque, difficultés de séparation, perversion du lien… Toute présence en ligne nécessite la mise en travail de questions qui tournent autour de la représentation de soi, du narcissisme, de l’origine ou de l’identité. Les adresse email, les blogues, les sites de réseaux sociaux sont autant de silos où des éléments inconscients et préconscients sont déposés. On a là, comme avec les jeux vidéo, du matériel en attente d’être interprété.

A diffuser le savoir de la psychanalyse

La somme des textes écrits par les psychanalystes est considérable. Sur un sujet, les bibliographies atteignent rapidement quelques dizaines de pages. Il devient difficile de s’orienter dans ces savoirs qui fonctionnent alors comme des labyrinthes cryptiques alors qu’ils ne devraient qu’être que des supports au travail clinique. L’Internet peut d’une part aider à mieux diffuser les travaux des psychanalystes dans la culture et d’autre part peut aider à les re-travailler en les triant avec des folksonomies.

A se présenter

L’Internet peut servir de répertoire, un peu à la manière des annuaires téléphoniques. Le fait de s’inscrire dans des répertoires permet d’être trouvé par des patients. Il est possible de créer une page sur Facebook et de la dédier à cette fonction. Un blogue peut également être dévolu à cette fonction. Il sera mieux référencé par les moteurs de recherche A échanger avec ceux qui ne sont pas psychanalystes ou pro-psychanalyse.

Nous avons beaucoup souffert des conflits entre la psychanalyse et d’autres techniques psychothérapeutiques ou des techniques éducatives. Quelques uns s’y sont montrés dogmatiques, cristallisant les oppositions de part et d’autre. Les choses changent heureusement : la psychanalyse qui était en situation de monopole dans les années 1970 est devenue une pratique critiquée. Des espaces de travail sont à ouvrir entre la psychanalyse et ce qui n’est pas elle, et ces espaces peuvent exister sur le réseau Internet. Il est en effet facile d’utiliser des dispositifs qui mettent en commun et en partage des documents ou de créer des espaces de rencontre temporaires ou permanents.