J’ai eu ce matin sur RTL un échange avec Sabine Duflo qui affirme que les écrans sont neurotoxiques
Rien dans la littérature ne permet de faire une telle affirmation. Il serait utile que le CoSE m’invite à un webinaire pour que l’on ait le temps de débattre sérieusement de ces questions
Dans la discussion, Sabine Duflo a fait plusieurs affirmations fausses ou contestables
> Les jeux vidéo altérent les fonctions exécutives
C’est faux. Jouer aux jeux vidéo, et plus particulièrement aux FPS comme Fortnite ou Call of Duty AUGMENTE les fonctions exécutives (1) L’effet d’entrainement est si important que des psychologues envisagent de les utiliser pour maintenir le fonctionnement cognitif des personnes agées à un bon niveau
> Les jeux vidéo provoquent des addictions
C’est contesté (2) d’abord parce que l’addiction aux jeux vidéo est construite sur une démarche confirmatoire : les psychologues construisent le trouble de l’addiction aux jeux vidéo sur la base d’une vague ressemblance avec les addictions, parce que le jeu vidéo excessif est plus le symptôme d’un trouble qu’un trouble isolé (3)
> Les joueurs de jeu vidéo présentent des symptomes de manque
C’est faux. Le syndrome de manque n’est pas un symptôme de la définition de l’addiction aux jeux vidéo. C’est d’ailleurs un problème de ce trouble addictif, puisque sa définition ne comporte pas les symptômes cardinaux de l’addiction, à savoir le sevrage et la tolérance
> Les jeux vidéo sont comparables aux jeux d’argent
C’est faux. Les jeux vidéo reposent sur les compétences du joueur ou sur le plaisir de l’exploration. Les jeux d’argent reposent sur le hasard. Connaitre les règles, la probabilité n’augmentent pas les chances de gagner. Connaitre les mécaniques d’un jeu vidéo augmente les chances de succès.
> L’industrie du jeu vidéo développe les même stratégies que l’industrie du tabac
C’est faux. En 1959, la recherche sur le cancer du poumon pouvait affirmer sans l’ombre d’un doute que cette maladie était liée au tabac. La recherche sur les effets des médias est loin d’une telle certitude. Nous disposons d’un grand nombre d’études qui explorent la relation entre les médias et la santé mentale, mais il est difficile d’en tirer une conclusion tant elles varient dans leurs qualités – beaucoup sont proches des sondages d’opinion, et dans les populations étudiées- il s’agit parfois d’adolescents, parfois d’adultes. Lorsqu’une relation est trouvée entre l’utilisation des médias sociaux et la santé mentale, elle est faible et curvilinéaire : des problèmes de santé mentale sont trouvés pour des utilisateurs intensifs et pour des non-utilisateurs. Enfin, les problèmes identifiés par les chercheurs ne sont pas des troubles psychopathologiques, mais des signes qui évoquent ces troubles. On est donc très loin de la relation linéaire tabagisme – cancer du poumon mise en évidence par la recherche médicale dans les années 60

> J’ai un conflit d’intéret avec l’industrie du jeu vidéo
C’est faux.

1) Does video-game playing improve executive function? In: Vanchevsky MA, editor. Frontiers in Cognitive Psychology. Nova Science Publishers, Inc; 2006. pp. 145–161
2) Aarseth, E., Bean, A. M., Boonen, H., Colder Carras, M., Coulson, M., Das, D., … & Haagsma, M. C. (2016). Scholars’ open debate paper on the World Health Organization ICD-11 Gaming Disorder proposal. Journal of Behavioral Addictions, (0), 1-4.
3) Billieux, J., Thorens, G., Khazaal, Y., Zullino, D., Achab, S., & Van der Linden, M. (2015). Problematic involvement in online games: A cluster analytic approach.AComputers in Human Behavior, 43, 242-250.