Dans une semaine, je serais à Toulouse pour le prochain Carrefour et Médiation organisé chaque année par Joyce Aïn. Le thème de cette année est Identités. Les orateurs sont prestigieux : Serge Tisseron, Sylvain Missonnier, Bernard Golse  pour ne citer que quelque uns.  La question de l’identité intéresse bien évidement les psychistes : comment se construit on ? Quelle relation l’identité a t elle avec le corps social ? avec le corps … Nous débattons régulièrement de ces question depuis que la psychologie existe.

Mais le carrefour de cette année est quelque peu différent. Joyce Aïn a pris la mesure de l’importance du cyberspace dans la vie de tous les jours et a intégré la question de l’Internet dans son argument.

Les nouvelles technologies d’information et notamment l’Internet, immergent l’internaute dans la fluidité et l’éphémère, caractéristique essentielle pour l’étude de l’évolution de l’identité dans le cyberespace. Car lorsque l’on commence à “bloguer”, on devient peu à peu “schizophrène”, avec une personnalité “virtuelle” qui se dessine insidieusement. Ce n’est plus le “Je est un autre” de Rimbaud, mais bel et bien un “Je est multiple”… De fenêtre du monde, Internet est devenu miroir de la vie privée à travers les blogs.

Je ne suis pas d’accord avec tout, mais ce qui me semble important, c’est le mouvement de reflexion vers l’Internet. Ce ne sont pas les premiers pas de psy* dans le cyberspace. Desgroseillers, puis Geneviève Lombard ont porté la psychanalyse sur le web. Sur Usenet, deux groupes fr.sci.psychanalyse et fr.sci.psychologie ont accueilli des discussion sur la psychanalyse et la psychologie. Des listes de diffusion, maintenant hébergées par Yahoo! offrent les même services sur le mail. Bref, l’histoire de l’implantation de la psychanalyse sur le web est déjà ancienne et elle continue avec le travail de bloggers commeJisee, Canergie ou Paradoxa 

 

J’ai été invité par Joyce Aïn à intervenir au colloque de Carmed. J’ai accepté immédiatement avec plaisir, et aussi avec effroi. L’exercice m’est inconnu et la tache est complexifiée par le nombre important de choses à traiter et le temps limité dont je dispose (une demi heure). Je pense que le public connaîtra mal internet, et que pour beaucoup son usage se limitera au mail.

Voici donc les axes que je pense aborder

L’Internet évolue rapidement. ARPAnet, Usenet, le mail, le web, le web 2.0. Internet évolue rapidement et toujours dans une direction qui n’a jamais été prévue.

Le cyberspace est un espace de culture. Il est produit par une longue histoire qui va des hoboes aux hackers. Il est également un reflet des tensions qui traversent notre culture

Le virtuel est réel. La communication dans les nuages n’est pas bâtie uniquement sur de l’imaginaire. Elle a des impacts sociaux et individuels. C’est pour cela qu’au mot de virtuel il faut préférer celui de “numérique” ou “en ligne”

Nous sommes légion. La clé de l’internet est dans les Grands Nombres. L’Internet est groupal, “communautaire” si l’on veut reprendre la terminologie anglo-saxonne. Les multitudes qui nous environnent nous soumettent à un travail constant de redéfinition de nos identités en ligne et de nos identités tout court

Je suis en ligne ce que je suis hors ligne. Contrairement à ce que pensaient les premiers observateurs, l’Internet n’est pas le lieu ou chacun peut diffracter une partie de sa personnalité, s’investissant par exemple ici dans une relation d’aide, et là dans la destructivité. Etre en ligne signifie osciller entre les possibilités de se diffuser dans des espaces différents et se rassembler en un seul espace. Ce mouvement d’oscillation se note également hors ligne mais l’Internet le décuple.

Le travail de l’identité porte sur différents marqueurs : la signature, l’avatar, l’adresse e-mail, le nom, le login, le mot de passe, l’adresse IP. Chacun de ces éléments est profondément relié à notre vie imaginaire. Le choix de la succession de lettres ou de l’image qui vont nous définir en ligne, le mot de passe qui nous assure des accès vers des ressources est toujours aussi déterminé par des motifs inconscients.

Le numérique modifie le travail de pensée. De la même manière que les matières comme le papier ou la pâte à modeler , la matière numérique est un support pour le travail de la pensée. Les opérations comme Créer/Supprimer, Copier/Coller/Insérer/Modifier en sont les principaux artisans comme la condensation, le déplacement, la diffraction ou la figuration sont les artisans du rêve

 

 

 

 Qu’en pensez vous ?