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Le propos de « Quand les œuvres deviennent des mondes » de David Peyron est annoncé dès le titre. Il s’agit d’une « réflexion sur la culture de genre contemporaine à partir du concept du concept de convergence culturelle ». L’auteur partira donc de la culture de genre en en donnant quelques points d’origine pour aller vers la convergence culturelle.

Lorsqu’il sort en 1999, le film Matrix de Andy et Larry Wachowski se présente déjà comme davantage que lui-même. Alice au pays des merveilles, 1984, des allusions chiffrées, Star Trek, le Magicien d’Oz, les films de Kung Fu sont quelques unes des référence d’une liste dont on perçoit mal la fin. Pour David Peyron, Matrix est un bon exemple de ce qu’il appelle « un univers narratif transmédia ». Le film déborde des salles de cinéma et il est possible de suivre les aventures des protagonistes sur d’autres médias. Par exemple, le film d’animation Le dernier vol de l’Osiris se termine sur une lettre envoyée aux derniers défenseurs du monde libre et c’est précisément la première mission que doit effectuer le joueur dans le jeu vidéo. Matrix se donne donc davantage qu’un film. C’est un monde qu’il est possible d’explorer par plusieurs chemins et en empruntant différents médias.

David Peyron différencie les déclinaisons d’un même produit auquel nous a habitué le marketing de ce qu’il étudie ici. Il y a évidement des liens de l’un à l’autre. Star Wars fait l’objet d’un marketing très agressif qui rentabilise pratiquement tous les aspects du monde inventé par Georges Lucas. Les fans en sont à la fois mécontents car ils ont l’impression que l’on exploite leur passion et heureux car ils trouvent y trouvent des occasions toujours nouvelles de satisfaire leur passion. Pour David Peyron, il existe à coté de cette commercialisation à outrance un autre mouvement qu’il appelle la « convergence ». Si le marketing « dérive » des produits, la convergence aurait elle tendance à augmenter la valeurs symbolique et imaginaire de mondes qu’elle contribue à créer.

David Peyron reprend le terme de « convergence » du sociologue Henry Jenkins qui entendait par « convergence culturelle » le point ou « les vieux et les nouveaux médias entrent en collision ». Pour David Peyron, la convergence culturelle est « une collision, un mélange entre médias, un pont, une abolition de frontières, une manière spécifique de consommer et de produire de la culture ». Elle est la force de gravité qui construit les mondes narratifs comme Star Wars, Le Seigneur des Anneaux ou Walking Dead

Il s’agit donc du rapport entre la « culture de genre » et son public. Cette culture de genre nait aux U.S.A avec les pulp fictions, histoires à épisodes très bon marché dans lesquelles les teenagers pouvaient suivent les aventures extraordinaires de leurs héros. Les pulp fictions sont un des berceaux de la science-fiction, de la fantasy et de l’héroic fantasy. Une génération plus tard, dans les années 1970, toujours aux U.S.A. deux nouveaux médias s’inventent : ce sont les jeux de rôles et les jeux vidéos. Les trois médias s’enrichissent les uns les autres. Les jeux de rôles s’appuient sur l’imaginaire de l’héroic fantasy et que les jeux vidéo ne sont qu’une façon de raconter des histoires avec un ordinateur. Le public de cette culture de genre est un public qui apprend

Ce qui était dans les années 1970 aux confins de la culture devient de plus en plus central. Les petites colonies qu’étaient La Guerre des Etoiles ou Le Seigneur des Anneaux sont devenus des univers qui excèdent leurs médias d’origine. On les retrouve sous la forme de Lego, de jeux, de jeux de rôles, de linge de maison, de gadgets… il n’est pas de forme sous laquelle on ne les retrouve pas. Pour David Peyron, ces mondes gardent une cohérence grâce à l’intertexualité. Il s’appuie sur l’analyse de Umberto Eco sur les œuvres cultes comme étant à la fois des œuvres se suffisant à eux même et ouverts sur le monde extérieur. Elles s’adressent à la fois à tous et aux qui sont capables de trouver des interprétations qui échappent aux autres en faisant des liens avec d’autres œuvres qui la précédent ou qui la suivent.

Aux théories d’un Umberto Eco ou d’un Gérard Genette sur l’intertextualité, David Peyron préfère celles de Henri Jenkins. La convergence culturelle lui semble plus à même d’expliciter la construction des mondes à la Star Wars qui utilisent tous les médias possibles. Là ou certains pourraient voir de l’éparpillement, voire un assemblage hétéroclite, il voit lui une logique organisée autour de trois pôles. Le premier est la culture de genre, le second est celui des fans, et le troisième nait de l’interaction des deux premiers. La possibilité de produire facilement des média grâce à la baisse du coût des appareils, la facilité avec laquelle il est possible de les diffuser sur le réseau Internet a en effet transformé les fans en faiseurs de mondes. La convergence n’est pas uniquement culturelle. Elle est aussi technique et commerciale. Le numérique est le grand chaudron dans lequel toutes les œuvres sont réinterprétées, et les productions tentent, parfois avec succès comme avec Star Wars, d’utiliser au chaque média disponible.

Pour David Peyron, la convergence culturelle colonise peu à peu les autres espaces de la culture. Elle n’est plus limitée aux confins de la S.F. ou de la fantasy : « L’influence des médias les uns sur les autres (jeu vidéo et cinéma ont aujourd’hui des influences symétriques, séries télévisées et comics s’inspirent les uns les autres etc.) de plus en plus prégnante, et les œuvres dont la diégèse est elle-même multimédiatique se fond de plus en plus nombreuses. » Ce mouvement pourrait être compris comme faisant partie du mouvement plus général de la post-modernité qui met en avant des modes d’expression tels que « la reprise, la citation, la parodie » qui étaient auparavant dépréciés.

 

 

Peyron, David,  Quand les œuvres deviennent des mondes, DOI :10.3166/réseaux.148-149.335-368.

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