Le développement des jeux vidéo a été accompagné d’un mouvement vers le cinéma. Des amas de pixels de départ, les jeux vidéo sont devenus visuellement plus riches et plus complexes. Ils ont intégré des éléments du cinéma avec des éléments comme les cinématiques. Mais Dominic Arsenault et Bernard Perron mettent en avant que voir les jeux vidéo au travers de la perspective du cinéma risque de faire manquer ce qu’ils sont en réalité. L’aspect visuel des jeux vidéo ne doit pas faire oublier leur aspect ludique. Les joueurs sont finalement plus intéressés par la fluidité d’un jeu que par la beauté ou le réalisme de ses graphismes. Cependant, les outils d’analyse utilisés pour comprendre le cinéma peuvent valablement être appliqués aux jeux vidéo. 

Les études cinématographiques étudient le cinéma sous ses aspects esthétiques, rhétoriques et formels. Elles ont développé des cadres conceptuels et des outils pour analyser le fonctionnement des images, des dialogues et du son. Parce que les jeux vidéo sont des média visuels et sonores, les outils des études cinématographiques leur ont été appliqués. Les chercheurs ont alors examiné comment les angles des caméras, leur mouvement, l’éclairage, les effets optiques participent à la narration.

Dans le contexte des études cinématographiques, Guillaume Roux-Girard a exploré comment les jeux vidéo d’horreur produisent des émotions en s’intéressant particulièrement à l’environnement sonore. Les films d’horreur et les jeux vidéo d’horreur partagent une certaine mise en scène et une mythologie. Les deux média décrivent un héros souvent un héros piégé dans un lieu lugubre luttant pour sa survie contre des créatures monstrueuses. Mais si le spectateur est passif, le joueur doit résoudre des énigmes et rassembler des objets pour sauver sa vie. Les émotions sont créées par l’histoire, les objets et les mécaniques de jeu. 

Dans les jeux d’horreur, le son est une composante importante. Le joueur doit identifier les sons et déterminer leur origine. Il doit faire la différence entre les sons générés par l’univers du jeu et ceux produits par le système du jeu. Les sons de l’univers du jeu peuvent être des cris, des coups de fusil, des grognements tandis qu’un exemple de son du système de jeu est la musique qui varie en intensité en fonction de la proximité du danger. Ces sons contribuent à l’immersion ludique du joueur en créant un lien entre les images du jeu et les actions des joueurs. Ils donnent aussi au joueur une information sur l’état du jeu et un feedback sur ses actions dans le monde du jeu. Les sons permettent au joueur de se situer dans le jeu (fonction spatiale), dans le temps (fonction temporelle), de se préparer à l’action (fonction préparatoire). Ils apportent aussi une information au joueur (fonction informationnelle). Certains son donnent une information sur la progression du jeu (fonction de progression). La sensation d’horreur est créée parce que les sons provoquent chez le joueur de l’inconfort du fait de leurs propriétés, mais aussi parce qu’il est difficile au joueur de tirer une information pertinente du monde sonore dans lequel il est plongé.

Dominic Arsenault et Bernard Perron mettent en avant que voir les jeux vidéo au travers de la lentille du cinéma risque de faire manquer ce qu’ils ont de spécifique. Cependant, ils ne récusent pas totalement l’approche cinématographique, car pour eux, le point important est de pouvoir garder l’esprit ouvert sur d’autres perspectives. Le fait que de nombreux jeux vidéo soient portés au cinéma et que des univers issus du cinéma deviennent des jeux vidéo montrent les liens réciproques et complexes qui existent entre les deux média (Chevaldonn, 2012). Même si les jeux vidéo ne sont pas du cinéma, les outils conceptuels construits pour explorer l’expérience cinématographique peuvent être utilisés pour comprendre l’expérience vidéoludique.