Un MMORPG est un jeu de rôle dans lequel le joueur interagit avec l’environnement et d’autres joueurs dans un espace numérique en ligne. Le joueur incarne un personnage qui évolue grâce à des points d’expérience gagnés en effectuant des actions ou des quêtes données par des personnages non-joueurs. Chaque personnage appartient à une race et une classe qui ont chacune des capacités propres. Le background du jeu est généralement celui de l’heroic fantasy. Le joueur affronte ou incarne des orcs, des elfes, des nains ou des trolls. Certains jeux s’appuient sur un imaginaire différent. Par exemple, l’univers d’Eve Online est celui d’un futur lointain ou des Corporations se livrent un combat économique et militaire sans merci. D’autres MMORPG s’appuient sur une Chine imaginaire en mettant en scène des fantômes et des dragons.
- Histoire
L’histoire des MMORPG commence avec ADVENT. En 1976, William CROWTHER transpose sur PDP-10 le jeu Donjon et Dragon (1974) et l’appelle Colossal Caves of Adventure. Le jeu, plus communément appelé ADVENT, est un jeu d’aventure textuel. Les joueurs entrent au clavier leurs commandes (“aller nord”) et lisent sur l’écran le résultat de leurs actions. Il inspire un autre jeu du même type appelé Zork qui ajoute au genre le mode multijoueur.
Les MUDs reprennent l’héritage de ADVENT en ce sens qu’ils sont des jeux textuels. Mais ils s’en différencient parce qu’ils ne sont pas organisés autour de la résolution de problème. Ils rassemblent trop de personnes pour que des puzzles ou des énigmes leur soient proposées. Avec les MUDs l’espace de jeu se confond avec l’espace social formé par les joueurs
A partir de 1985, quelques tentatives de commercialisation sont faites avec des jeux comme MUD1, Shades, Gods, Avalon. Cependant, le coût encore élevé des communications téléphonique empèchent les jeux d’atteindre un succès populaire. De fait, la plupart des joueurs sont des étudiants qui profitent des accès Internet pour joueur. En 1993, une étude sur le traffic Internet montre que 10% des communications du réseau NSFnet est utilisé par les MUDs.
Pendant cette période, les MUDs se diversifient en plusieurs genres. Les MOO sont utilisés dans le domaine de l’éducation, les MUSH sont orientés vers les jeux de rôles et les MUCK sont préférentiellement utilisés par les joueurs qui préfèrent les interactions sociales.
Alan KLIETZ s’inspire de ADVENT et de Donjons et Dragon pour écrire son MUD Milieu. Le jeu est rebaptisé Sceptre of Gorht et vendu par GamBit dans six villes américaine. Le jeu disparaît après que Interplay l’a racheté. Mais il ouvre une voie. Contrairement à l’Angleterre, les communications locales sont peu onéreuses aux USA, ce qui permet à ce genre de jeux de se développer. Les Fournisseurs d’Accès Internet comme AOL proposent ces jeux dans leur offre commerciale. Des Jeux comme NeverWinter Night, GemStone III, Dragon’s Gate ou Federation II sont accessibles contre un paiement à l’heure, puis au mois.
En 1986, Habitat* de Lucasfilm Games fait faire un immense saut qualitatif aux MUDs. Les joueurs sont représentés par des personnages appelés “avatars”. En ligne, les joueurs peuvent effectuer différentes opérations comme échanger, acheter ou vendre des objets. Habitat était sans doute trop en avance. Il ne rencontre pas le succès attendu et l’éditeur ferme le monde après deux années d’activité.
À partir des années 1995, la technologie permet d’afficher des images complexes. Les MUDs commencent à s’éloigner de leurs racines textuelles pour devenir des espaces graphiques. Avatar est le chaînon entre les MUDs et les MMORPG car les joueurs interagissent dans un monde graphique. Island of Kesmai (1981) que revient le titre de premier MMORPG même si aux standards d’aujourd’hui, les graphismes sont très limités puisque qu’ils sont formés avec des caractères ASCII. À partir de ce moment, les MMORPG affichent des images de plus en plus complexes. Meridian 51 puis Ultima Online s’imposent successivement comme des titres phares. Ultima Online met en place le paiement mensuel et attire 100.000 joueurs sur ses serveurs. L’afflux de joueurs est tel qu’un nouveau nom est inventé : UO est un jeu de rôle “massivement multijoueur”.
EverQuest est le premier MMORPG en 3D. Il prend la suite de UO à la tête du classement des MMORPG avec plus de 425.000 joueurs. Asheron Call, Anarchy Online (2001), Dark Age of Camelot ( 2001), Star Wars Galaxies (2003), The Matrix Online (2005), EverQuest II (2004) et surtout World of Warcraft (2004) font des années 2000 les années MMORPG.
Avec les années 2000, les MMORPG deviennent véritablement “massifs”. Le développement d’un jeu peut facilement dépasser les 10 millions de dollars mais les éditeurs se lancent dans l’aventure car les profits peuvent être au rendez-vous. Plusieurs MMORPG sont développés dans la première décade des années 2000 : Dark Age of Camelot Dark Ages of Camelot (2001), Final Fantasy XI (2002), Everquest II (2004),World of Warcraft (2004), Guild Wars (2005), Dungeons & Dragons Online (2006) et Vanguard (2007),
Avec l’acronyme MMORPG, un standard commence à émerger. Les joueurs choisissent des personnages parmis différentes races, classes et gagnent des points d’expérience en effectuant des quêtes données par des Personnages Non Joueurs. Les points d’expérience permettent de progresser dans les niveaux de jeu, d’acquérir de nouveaux pouvoirs et de nouvelles compétences. Les joueurs peuvent effectuer ensemble des quêtes ou des raids. Pour ce faire, ils forment des groupes qui vont de 5 à plusieurs dizaines voire même centaines de joueurs. Un groupe est généralement constitué d’un Healer, d’un Tank et de trois DPS. Leur fonction est respectivement de soigner, de contenir les ennemis et de faire des dégâts. Du nouveau contenu est régulièrement ajouté au jeu sous la forme de nouvelles races de personnages, de nouveaux territoires à explorer ou de nouvelles quêtes à faire.
World of Warcraft est un immense succès. Le jeu attire au pic de sa popularité près de 12 millions de joueurs. Il est est inspiré d’un autre jeu de la compagnie. Warcraft Orcs vs Humans est un jeu de stratégie en temps réel basé un background d’heroic fantasy qui a rencontré un immense succès. Le MMORPG plonge le joueur dans un riche univers d’actions et d’histoires et le transforme en acteur d’un monde déchiré entre la Horde et l’Alliance. Le jeu devient un phénomène public du fait de faits divers tragiques, de la passion des fans, et d’événements inhabituels.
- les polémiques
À la suite du suicide de Shawn WOOLEY devant l’écran d’Everquest, les MMORPG ont été montré du doigt. Sa mère, Elisabeth WOOLEY a accusé Sony Online Entertainement de créer un jeu additif et dangereux. Même si elle a finalement retiré sa plainte devant les tribunaux, l’histoire de Shawn WOOLEY a contribué à construire la légende d’un jeu aussi puissant et destructeur qu’une drogue. Les joueurs eux-mêmes ont contribué à cette construction puisqu’ils appellent leur leur EverCrack
Comme EverQuest avant lui, World of Warcraft sera soupçonné de provoquer une dépendance. Les histoires tragiques de personnes mortes en jouant ou tuées à cause d’une querelle mettant à propos d’objets du jeu sont traduites dans les médias comme un signe d’addiction. Pourtant, à ce jour, l’addiction aux jeux vidéo ne fait l’objet d’aucun consensus chez les psychologues et les psychiatriques. Des autorités professionnelles ont recommandé l’utilisation de l’expression “jeu excessif” et d’abandonner celle d’”addiction aux jeux vidéo”.
Des événements comme La peste d’Hakkar ont pu attirer l’attention d’un public plus large que celui des joueurs de jeu vidéo. Dans World of Warcraft, Hakkar est un personnage qui fait perdre des points de vie à toute personne qui est proche de lui. Sa “peste” a ravagé la population de World of Warcraft après que des joueurs aient sans le faire exprès, contaminé d’autres joueurs à leur retour dans les capitales. La contamination de joueur à joueur a été utilisée pour discuter des modèles de la contagion dans le monde réel.
- Les dynamiques des MMORPG
Au delà de la question de l’addiction, les MMORPG ont intéressé les chercheurs pour leurs dynamiques identitaires, symboliques, sociales et économiques.
Parce que chaque joueur incarne un personnage dont les caractéristiques évoluent grâce à ses interactions avec l’environnement et les autres joueurs, les MMORPG ont été décrits comme des laboratoires identitaires.. Lisa NAKAMURA parle par exemple des identités en ligne comme un “tourisme identitaire”. En incarnant un personnage d’un sexe différent du sien, le joueur peut mieux comprendre les problématiques qui lui correspondent. Jouer à un MMORPG, c’est (se) construire une fiction personnelle en s’appuyant sur l’histoire du jeu.
Les joueurs peuvent s’emparer du jeu pour en faire quelque chose de tout à faire imprévu. Par exemple, dans World of Warcraft, les joueurs ont organisé des Gay Pride pendant lesquelles les ennemis de toujours laissaient les armes de côté pour célébrer la fierté homosexuelle. Les actions des joueurs peuvent aussi déborder l’espace du jeu. Lorsque Blizzard, l’éditeur du jeu World of Warcraft, a tenté d’imposer aux joueurs qu’ils s’identifient par leurs vrais noms, ils ont fait face à une bronca qui les a fait reculer
Les mondes des MMORPG sont des univers complexes avec leurs histoires, leurs économies et leurs systèmes écologiques. Cependant, il ne faut pas les voir comme des univers clos sur eux-mêmes. En effet, ils peuvent traduire des tensions actuelles ou passées du monde réel.. Par exemple, même si le monde de World of Warcraft est celui de l’heroic fantasy, on trouve dans le jeu de nombreuses références à la Première et Seconde Guerre Mondiale.
Les MMORPG remettent en question l’idée que le jeu est dans “cercle magique” dans lequel la réalité est tenue à distance. Comme le montrent les exemples précédents, ce sont des univers “frictionnels” qui engagent d’autant plus facilement la réalité passée ou du moment, qu’ils sont saturés symboliquement. Il est donc possible de faire de multiples interprétations des personnages, de leurs histoires ou de l’histoire du monde dans lequel ils vivent
Les MMORPGS ont été décrits comme des modèles réduits dans lesquels il est possible d’observer comment les joueurs s’organisent pour résoudre des problèmes complexes. En effet, les joueurs doivent souvent arbitrer entre la satisfaction de leurs besoins égoïstes et la préservation d’un bien commun. Lorsqu’ils ne sont pas engagés dans les tâches du jeu, ils l’utilisent comme une plateforme sociale pour bavarder ou flirter Les interactions se font à l’intérieur du jeu, mais aussi dans son entourage. Les joueurs utilisent des dispositifs comme Skype ou Discord pour discuter pendant leurs parties, mais aussi pour garder un lien même lorsqu’ils ne jouent pas. Les interactions dans et en dehors du jeu sont si intimement mélangées qu’il peut être difficile de les différencier
Du fait de la difficulté du jeu et aussi pour le plaisir d’être ensemble,, les joueurs construisent des groupes appelés GUILDES dans lesquels ils trouvent de l’aide, du soutien, ou plus banalement un lieu pour bavarder. Cependant, il ne faut pas exagérer la part sociale des MMORPG. En s’appuyant sur les données extraites d’un serveur de jeu, DUCHENEAUT et YEE montrent que pour la plupart des joueurs, la solitude est une expérience banale dans les MMORPG. Les activités sociales des joueurs de MMORPG sont très probablement surestimées et les GUILDES luttent le plus souvent pour leur survie. Les GUILDES ont généralement une taille inférieure à la taille critique qui leur permettrait de bien fonctionner
En étudiant l’économie des MMORPG, Edward CASTRONOVA montre qu’elle suit des règles comparables à celle du monde réel. CASTRONOVA insiste sur le fait que les objets peuvent être virtuels, les joueurs sont réels et fonctionnent comme des acteurs rationnels sur le plan économique
Les MMORPG posent aussi des questions du point de vue de la loi. En effet, certaines interactions en ligne tombent sur le coup de la loi. C’est le cas par exemple des situations de harcèlement, mais aussi du vol d’objets virtuels. La propriété des objets produits dans le jeu vidéo pose aussi des questions de droit. Cependant, il n’est pas facile de donner des réponses à ces questions du fait que les joueurs et les éditeurs de jeux vidéo peuvent être dans des pays et donc relever de législations différentes
Les jours fastes des MMORPG semblent maintenant être derrière eux. Même le géant World of Warcraft voit le nombre de ses abonnés diminuer inexorablement. Après avoir culminé à 12 millions de joueurs en 2014, le jeu ne compte plus aujourd’hui 5,5 millions de joueurs. Plusieurs raisons peuvent être données à cette baisse. Tout d’abord, l’offre générale des MMORPG est beaucoup plus importante qu’en 2004. Le site MMORPG.com donne une centaine de MMORG. Parmi ces jeux, beaucoup sont d’une qualité tout à fait honorable et jouable gratuitement. La gratuité et le modèle Free to Play* sont les autres raisons de la désaffection de World of Warcraft. Pourquoi payer un abonnement alors qu’un jeu comme Lord of The Ring Online ou Star Wars : Knight of the Old Republic offre une expérience de jeu comparable sans avoir à payer d’abonnement ?