L’addiction aux jeux vidéo est un trouble qui suscite de nombreux débats dans l’espace public et parmi les professionnels de la santé mentale. Le trouble est généralement défini comme une utilisation excessive des jeux vidéo au détriment d’autres aspects de la vie de la personne. La prévalence du trouble est très variable puisque certains auteurs l’estiment à moins de 1% tandis que d’autres avancent des chiffres qui vont jusqu’a 20%. La variabilité de la prévalence s’explique en partie par le fait que les auteurs n’ont pas une définition commune du trouble et qu’ils utilisent des instruments de mesure différents.

Des symptômes comme les troubles du sommeil, des difficultés scolaires ou au travail, des difficultés familiales, la dépression et l’anxiété ont été associée à l’addiction aux jeux vidéo. L’addiction aux jeux vidéo est rapprochée des addictions comportementales avec comme modèle l’addiction aux jeux d’argent

Des chercheurs ont également montré que les structures cérébrales impliquées dans les addictions aux jeux vidéo sont les même que celles impliquées dans les addictions classiques. L’addiction aux jeux vidéo impliquerait un problème au niveau du circuit dopaminergique ce qui laisse entendre que l’addiction aux jeux vidéo a une base biologique commune avec les addictions classique

 

L’histoire de l’addiction aux jeux vidéo peut être décrite en trois vagues successives (LEROUX, 201x). La première vague consiste en de simples descriptions qui jugent certains comportements descriptifs.Les auteurs relèvent que les enfants utilisent une grande partie de leur agent pour jouer aux jeux vidéo (McCLURE et MEARS, 1984; GRAHAM, 1988).

La seconde vague pathologise les comportements excessifs. Dans  “The emergence of a new disorder”, Kimberley YOUNG (1998) rend compte de certains usages excessifs de l’Internet avec la notion d’addiction. Elle développe un questionnaire à partir des item de jeu pathologique (DSM-IV) pour d’évaluer l’addiction aux jeux vidéo. Les réponses au questionnaire permettent d’explorer les conséquences de l’addiction à l’internet et le profil des personnes concernées. De son côté, GRIFFITHS  postule une éventuelle addiction aux jeux vidéo du fait de la ressemblance des bornes d’arcade et des machines à sous. Dans “Dependence on computer games by adolescents”, il s’appuie sur un questionnaire (N=  387) basé sur le jeu pathologique (DSM III-R) pour affirmer que les jeux vidéo sont potentiellement addictifs (GRIFFITHS, 1998).

Enfin, la troisième vague de recherches se focalise sur les MMORPG. Alors que les jeux d’arcade et de console étaient jugés problématiques parce que trop stimulants, les MMORPG sont critiqués pour l’importante place qu’ils donnent aux relations sociales ou le risque couper les joueurs de la réalité. Dans les années 2000, plus d’une soixantaine de recherches sont publiées sur l’addiction aux MMORPG en s’appuyant sur des questionnaires en ligne ou la récolte de données obtenues en questionnant les serveurs de jeux.

 

Une méta-synthèse sur l’addiction  l’Internet met à jour les inconstances de la notion (DOUGLAS et al., 2009). Les auteurs notent que les critères de définition de l’addiction à l’Internet sont inconsistants, que les méthodes d’études comportent des biais d’échantillonnage et que les relations de causalité entre les variables ne sont pas prouvées. GRIFFITHS et KUSS arrivent aux même conclusion lorsqu’ils examinent les 15 années d’études de l’addiction aux jeux vidéo. Ils constatent que la comparaison entre les études est souvent difficile car les titres des jeux vidéo ne sont pas précisés, que les instruments d’évaluation sont disparates et souvent non validés, que les échantillons sont de petite taille, auto-sélectionnés et non représentatifs des joueurs.  les facteurs culturels et sociaux

Ces deux synthèses de la recherche sur l’addiction aux jeux vidéo pointent dans la même direction. Elles montrent tout d’abord que la qualité de la recherche est faible du fait des biais méthodologiques. Ensuite, le trouble est décrit à partir des critères du jeu pathologique qui concerne les jeux d’argent et de hasard. Or, les dynamiques du jeu vidéo et des jeux d’argent sont très différentes car le hasard occupe une place très faible dans le jeu vidéo. Le plaisir du joueur tient généralement à développer une maîtrise suffisante des actions à effectuer pour pouvoir progresser dans le jeu. Une autre source de plaisir est apportée par l’immersion dans le monde du jeu. Dans ce cas, le joueur aime explorer l’environnement, discuter avec les personnages du jeu pour découvrir petit à petit le monde dans lequel il évolue. Le jeu d’argent et les jeux vidéo sont des activités très différentes qui sont rapprochées artificiellement sur la base d’une vague ressemblance. Enfin, les synthèses montrent l’absence de consensus sur la symptomatologie et l’évaluation du jeu problématique

En France, la discussion sur l’addiction aux jeux vidéo a amené plusieurs acteurs a prendre des positions très nette. L’INSERM s’est intéressée aux jeux vidéo à deux reprises dans le cadre de travaux de synthèse sur l’addiction. En 2008, le groupe d’experts recommandait de faire davantage d’études avant de valider la notion d’une addiction aux jeux vidéo. En 2014, dans une seconde synthèse, les experts notent que les critères d’addiction aux jeux vidéo son en discussion. Les études passées en revue ne permettent pas de distinguer l’usage d’internet et la pratique des jeux vidéo. Les experts notent également l’absence de donnée épidémiologiques, de données quantitatives sur les pratiques vidéo ludiques des adolescents, de consensus sur le conception d’addiction aux jeux vidéo ou de critères diagnostiques valides.

L’académie de Médecine a publié des recommandations sur le jeu vidéo qui vont aussi dans ce sens. Son avis s’appuie sur le fait qu’il n’existe pas de consensus scientifique sur l’existence de réelles addictions aux jeux vidéo. Les médecins prennent aussi en compte le fait que le rôle des parents est essentiel. L’Académie de Médecine encourage donc les familles à s’informer sur les jeux vidéo et leurs contenus afin que l’enfant soit au contact avec des média adaptés à son âge.

En 2013, L’Académie des Sciences a rendu avis allant dans le même sens en rappelant qu’il n’y a pas de consensus à propos d’addiction aux jeux vidéo. Les auteurs du rapport considèrent qu’il s’agit de symptômes “de problèmes sous-jacents, liés à des événements traumatiques (violences scolaires, divorce ou difficultés familiales graves, deuil etc.,) et/ou à des troubles psychiques (dépression, déficit d’estime de soi, anxiété sociale etc.) La crise d’adolescence, avec l’instabilité qu’elle suscite peut aussi favoriser un refuge dans les écrans” Pour l’Académie des sciences, le jeu vidéo problématique est symptôme d’une autre difficulté qui nécessite une attention des parents et parfois l’intervention d’un professionnel

Enfin, l’addiction aux jeux vidéo a été critiquée par des addictologues. Marc VALLEUR, a dirigé le centre Médical Marmottan qui accueille des personnes concernées par l’usage de produits ou des addiction sans drogue. . Son avis sur l’addiction aux jeux vidéo est des plus fermes : ”Disons-le clairement, nous n’avons pas connaissance de dépendance ou d’addiction aux jeux vidéo parmi les enfants, mais certains abus, certaines pratiques frénétiques témoignent d’un malaise et souvent d’un dysfonctionnement au sein du cercle familial.”

La notion d’une addiction aux jeux vidéo est donc contestée par la recherche, par des autorité médicales et par des addictologues. Au final, les preuves avancées de l’existence d’une addiction aux jeux vidéo sont au mieux extrêmement faibles. Les études académiques ne permettent pas de trancher du fait de leurs biais méthodologiques, du manque de définition précise du trouble ou des jeux utilisé. Les avis d’experts vont dans le sens de

La notion fait penser à la légende du Monstre du Loch Ness. Dans les deux cas, il s’agit au départ d’une plaisanterie .Dans les deux cas, quantité de recherches ont été menées étudier le phénomène. Et dans les deux cas, aucune preuve sérieuse de son existence n’a été apportée.

Malgré cela,  le débat sur l’addiction aux jeux vidéo a été à nouveau ouvert par l’OMS qui a annoncé dans sa prochaine CIM-11 un “trouble de l’addiction aux jeux vidéo” lorsque la nouvelle classification sera votée par les états membres de l’OMS a la fin de l’année 2019

REFERENCES

AARSETH, Espen, BEAN, Anthony M., BOONEN, Huub, et al. Scholars’ open debate paper on the World Health Organization ICD-11 Gaming Disorder proposal. Journal of behavioral addictions, 2017, vol. 6, no 3, p. 267-270.

DERVAUX, A., SEBEYRAN, A., & LAQUEILLE, X. (2009). L’addiction à Internet dans la littérature internationale. Psychiatrie française, 40(3), 79-91.

LE HEUZEY, Marie-France et MOUREN, Marie-Christine. Addiction aux jeux vidéo: des enfants à risque ou un risque pour tous les enfants?. Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 2012, vol. 196, no 1, p. 15-23.

VALLEUR, Marc et MATYSIAK, Jean-Claude. Les nouvelles formes d’addiction: l’amour, le sexe, les jeux vidéo. Flammarion, 2004.

YOUNG , K. S. (1998). Internet addiction: The emergence of a new clinical disorder. Cyberpsychology & behavior, 1(3), 237-244.